Petite fille, déjà, j'écrivais.
Comptines, berceuses, poèmes… Mes deux premières années d'école primaire furent
familiales. Au CP avec ma mère, en CE1 avec mon père, j'ai été une élève
motivée, enthousiaste, adhérant totalement aux méthodes Freinet pratiquées dans
leur classe.
Nous écrivions des textes libres.
Rendez-vous compte, des textes libres ! Chaque lundi, les volontaires lisaient
leurs écrits devant un auditoire attentif et silencieux. Ensuite, nous devions
voter. Le texte remportant les meilleurs suffrages était écrit, tel quel, au
tableau, puis relu, expliqué, analysé, corrigé. Nous faisions de l'orthographe,
de la conjugaison, de la grammaire… presque sans en avoir l'air.
Le texte, réécrit par la classe,
passait ensuite à l'imprimerie. À cette époque, au tout début des années
soixante-dix, "traitement de textes" et "imprimante"
n'existaient pas dans le vocabulaire. Il fallait composer les lignes, caractère
par caractère, en usant de patience et de minutie. Tout un art, que d'écrire à
l'envers ! Le procédé était artisanal, mais formateur. Chaque trimestre, les
textes étaient réunis dans un recueil vendu aux parents, pour la coopérative de
la classe.
L'écriture épistolaire était
aussi au programme. Nous écrivions et recevions des lettres : des lettres
collectives, écrites avec des feutres de toutes les couleurs, dans un format
suffisamment grand pour qu'elles soient affichées et lues en classe. Nous
échangions des lettres, des petits cadeaux avec notre correspondant(e)… Nous
attendions, avec impatience, l'arrivée d'une grosse enveloppe ou d'un colis,
riche en surprises, en nouvelles fraîches… Il nous faudrait répondre !
Mon plaisir d'écrire vient de là,
je crois : de ces deux années d'école primaire où vie scolaire et vie
familiale ont été intimement liées. Notre appartement se trouvait au premier
étage, juste au-dessus des salles de classe. L'école était mon quotidien.
Changement de ville, changement
de rythme, changement de vie. CE2, puis CM1, puis CM2. L'enseignement fut plus
traditionnel, plus "sérieux", moins ouvert sur le monde et sur les
autres. L'écriture était davantage un outil scolaire qu'un moyen d'expression.
J'écrivais hors de la classe : lettres, poésies, chansons, pièces de théâtre…
Au collège, la rupture. Je quitte
le monde cotonneux de l'enfance, mes parents se séparent. Je commence un
journal intime, sur de petits carnets, puis sur des blocs sténo. J'écris mes
impressions, mes colères, mes angoisses, face à des situations pénibles, des
problèmes d'adultes dont je suis témoin malgré moi, qui me dépassent. À qui
donc aurais-je pu raconter tout ça ? L'écriture me libère, c'est une
échappatoire. L'écriture m'emprisonne, m'enferme dans la solitude.
Au lycée, les contraintes se font
de plus en plus pressantes, oppressantes, laissant bien peu de place à la
fantaisie, à la franchise, à l'originalité ! On me juge, on m'évalue, on me
note, on me sanctionne, on me démonte, on me bâillonne. Je m'y plie, tant bien
que mal. J'accepte les règles du jeu pour être aux normes, rester conforme,
réussir au bac…
La fac : prise de notes,
dossiers, rapports, comptes-rendus, mémoires… Nouvelles formes d'écrits.
Premier poste en entreprise :
l'écriture comme outil de travail. L'usage de l'ordinateur pour des textes
imprimables, corrigeables, impeccables. J'adhère immédiatement !
Le temps passe, sans qu'il ne se
passe grand chose, finalement. Ma vie change sans vraiment changer. Je deviens
enseignante, dans le primaire, comme mes parents. Débutante, je m'investis
beaucoup dans les préparations de classe. Je consacre du temps à mon métier,
mais jamais autant qu'eux, à une lointaine époque…
Dans mes loisirs, il y a toujours
une grande place pour l'écriture. Je corresponds avec des amies d'enfance,
j’écris toujours des poèmes, un peu moins de chansons. Je continue à tenir un
journal intime, sur des feuilles volantes ou de grands cahiers d'écolier mais l’introspection
m'enlise, à la longue. Je me protège sans cesse, je me refuse à vivre vraiment,
alors j'écris sur ma vie, plus que je ne la vis.
Quand l'informatique investit mon
quotidien, les lettres se font mails, les textes deviennent des documents qui
s'ouvrent et qui se ferment, que je peux nommer, enregistrer, copier, archiver.
J'aime l'écran et le clavier autant que le stylo et le papier.
Allez savoir pourquoi, à
l'approche de la quarantaine, j'ai enfin délaissé le journal intime pour écrire
de la prose sous d'autres formes : courts récits (certes autobiographiques la
plupart du temps), nouvelles, reportages de concerts, chroniques musicales…
Mon inscription à un atelier
d'écriture a été l'élément déclencheur de toute une dynamique qui
perdure aujourd'hui. Je me suis rouverte au monde, aux autres. Je communique,
je transmets, je laisse une trace. Le réseau internet offre d'immenses
possibilités, dont je suis loin d'avoir fait le tour.
Mon projet ?
Créer un blog, y publier mes
textes et mes photos de concerts, au jour le jour. L'égocentrisme est toujours
là, mais il y a du progrès. Nous sommes en janvier 2006. Je suis encore en
devenir.
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