Trilogie d'avril 2/3
Le soleil s’était
invité dans l’appartement au cours de cette belle matinée de fin d’automne
particulièrement douce, s’y lovant tout entier, attiré par les fenêtres
ouvertes. C’était le moment où l’on aère, où l’on fait un peu de ménage, où
l’on range chez soi.
Ce pouvait être un
dimanche, le dimanche de quelqu’un qui travaille la semaine, quelqu’un qui vit
seul, qui profite de ce dimanche matin pour faire de l’ordre dans son
appartement. Dehors, le ciel est d’un bleu limpide, on voit de hauts immeubles
d’habitation, un boulevard, des canaux, des arbres alignés, un petit parc. Le
soleil se reflète dans les vitres et dans l’eau, jusqu’à l’aveuglement.
Deux poissons rouges
sommeillent dans leur bocal, posé sur un guéridon, dans un angle de la pièce.
Ils ont eu leurs daphnies dès le lever du jour. Nous sommes dans le salon, deux
grands canapés confortables se font face, la table basse est au milieu, des
magazines sont empilés. Contre le mur, un living-room, avec écran plat, chaîne
hi-fi, télécommandes, une multitude de CD et de DVD impeccablement archivés.
Sur le mur opposé,
une impressionnante bibliothèque, avec des livres jusqu’au plafond. On aime lire,
ici. Des romans français et étrangers, en poche ou en grand format, des
ouvrages de photo, de peinture, de sculpture, des guides touristiques, des
albums d’exposition…
Il y a quelques
plantes vertes, près des fenêtres, posées sur le rebord. Leur feuillage est
brillant, on les a arrosées à l’aube, on leur a ajouté un peu d’engrais. On est
aux petits soins pour elles ! Dans l’autre coin de la pièce, un bureau
aménagé, avec des livres, encore, des CD, des DVD, des dossiers, un ordinateur,
un disque dur externe.
Le long de la
bibliothèque, une table rectangulaire et des chaises, pour six, et sous les
chaises, à l’abri sous la nappe, trois créatures noires dormant en rond sur un
coussin, ronflant à qui mieux-mieux, digérant leur repas du matin, servi avec
délicatesse, en temps et en heure, comme tous les autres jours.
Plus tard dans la
matinée, ils bâilleront en grand, découvrant leur langue rose et leurs babines
nacrées, ils ouvriront leurs yeux, d’un joli vert émeraude, trois véritables
beautés félines. Le tout petit, aux poils longs, ébouriffés, au museau
renfrogné. Le grand mince, longiligne, athlétique, à la tête allongée et aux
grandes oreilles. Le moyen tout rond, aux pattes larges et dodues, au ventre
rebondi…
Ils tiendront conseil,
sous la table. Quel mauvais coup allons-nous préparer aujourd’hui ? Il
fait trop beau pour que ça dure ! Qui allons-nous faire tourner en bourrique ?
Le propriétaire des lieux seigneur et maître, les poissons, les plantes
vertes ? Des livres, des CD, des DVD à faire tomber, des dossiers à
éparpiller, saccager la litière, faire pipi à côté, grimper sur les étagères du
living-room ou de la bibliothèque, se suspendre aux rideaux, casser des objets
précieux ?
La radio est
allumée, c’est l’heure des informations et quatre canaris au plumage jaune
vif, perchés sur les fins barreaux en bois de leur cage dorée, pépient gaiement
sur les mauvaises nouvelles (les nouvelles sont mauvaises, d’où qu’elles
viennent). Ils ont eu leur assortiment de graines au début du jour, leur cage
nettoyée, leur eau changée. Alors, pour eux, que du bonheur !
La personne qui
habite ici se laisse tomber sur le canapé, elle a terminé son ménage dominical,
elle fait une pause, voilà une bonne chose de faite. Maintenant, elle va se
mettre à penser au repas du midi, elle va sortir, une fois douchée, habillée,
pour aller au marché, en quête de produits frais. La liste est dans sa tête et de
toute façon, elle aime bien céder aux impulsions, devant les étals bien
achalandés.
Où sont les
chats ? Avant de partir, elle aimerait s’assurer qu’ils ne sont pas dans
le salon, pour éviter toute tentation malsaine, comme de rendre fous les
poissons en tournant le vite possible autour de leur bocal au risque de le
faire tomber du petit guéridon, ou alors d’effrayer les oiseaux en montrant
leurs canines pointues et leurs griffes acérées tout en leur crachant dessus,
jusqu’à renverser la volière…
En vrais pachas ils
ont accès à toutes les autres pièces, quand le propriétaire des lieux et vénéré
maître s’en va. La cuisine, les WC, la salle de bains, sa chambre à lui, la
chambre d’amis qui est aussi la chambre des chats quand il n’y a pas d’amis,
avec griffoirs, portiques, jeux d’éveil, plaids et coussins moelleux… Mais le
salon, non, pas question, pas en son absence. Il est fermé précautionneusement
à clé, c’est plus prudent !
Là, il les cherche
partout, il ne les trouve nulle part, où donc sont-ils allés se fourrer ?
Qu’ont-ils encore trouvé comme nouveau spot pour dormir ? C’est qu’ils
changent sans arrêt de place, ils ont des cycles, des préférences, des lubies !
Oh, qu’ils sont mignons, ils dorment tous les trois sur les chaises du salon,
ils se sont bien cachés, les petits trésors ! Bon, je ne vais pas vous
déranger, ça va être encore un drame d’essayer de vous déloger de là, je vais
me faire griffer, vous allez grogner…
Puis-je vous faire
confiance, pour une fois, mes chéris ? Je vais jusqu’au marché, je vous
rapporterai du cœur, du poumon et du foie, alors en attendant vous allez être
sages, hein ? Pas de bêtises, je reviens vite ! Dormez à poings
fermés, je ne suis pas d’humeur à vous faire déguerpir, vous êtes trop chou, à
tout à l’heure, mes amours !
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