samedi 9 avril 2016

Enfer

Trilogie de la quarantaine 3 sur 3

Février 2005


Le bonheur en amour, ce n’était pas encore pour aujourd’hui. Tu te demandais bien ce qui pouvait déterminer ta relation aux hommes, tu n’avais toujours pas la réponse.

Le même scénario se répétait inlassablement depuis des années. Tu étais la spectatrice impuissante de tes propres échecs. C’était toujours pareil : les acteurs se succédaient, mais au bout du compte tu te retrouvais seule. Tu ne rencontrais jamais le "bon", de toute façon. Tu pensais que le jour où ça arriverait, tu cesserais enfin de te poser toutes ces questions.

En attendant, tu encaissais les coups. Après avoir connu un semblant d'amour, pendant quelques heures, quelques jours ou quelques mois, tu t'en retournais à ta solitude, dont tu disais avoir besoin pour te reconstruire. Tu te complaisais surtout dans une introspection stérile, maladive, malsaine. Pour en finir, tu évoquais la malchance, le mauvais œil, un sortilège.

Pourquoi étais-tu donc condamnée à souffrir ? N’avais-tu donc pas droit à l’amour ? Tu en avais essuyé, des déceptions ! Ça continuait, selon une implacable loi des séries. Ça recommençait, encore aujourd’hui. Tu t’étais préparée à ce que ça foire, de toute façon. Sur le moment, tu avais trouvé ça trop beau, trop facile, presque suspect. Ça ne pouvait pas se passer de manière simple, tu le pressentais.

La fois précédente, tu n’avais même pas eu l'opportunité de revoir cet homme rencontré dans une discothèque, avec lequel tu avais flirté sur la piste de danse. Il t'avait pourtant appelée, vous deviez vous revoir, ça ne s'était pas fait. De toute façon, c'était un mauvais plan. Tu as laissé tomber.

La situation ne se présente pas mieux aujourd'hui. Cet homme-là, celui dont tu attends des nouvelles, t'a adressé la parole au cours d'un concert rock, dans cette salle où tu étais venue seule, il y a tout juste quinze jours. Tu avais aimé le ton qu’avaient pris vos échanges. Tu l'avais trouvé plutôt mignon, tu avais apprécié son humour. Dans un premier temps, cela te suffisait.

À la fin de la soirée, il te donne son numéro de portable et tu le rappelles, dès le lendemain. Tu veux le revoir, tout de suite ! À quoi bon attendre, puisqu’il te plaît ? Il te dit qu'il est pris, il ne peut pas : promesses faites à des amis, impératifs familiaux… Vous évoquez un jour dans la semaine, puis finalement, vous remettez cela au week-end en quinze. C'est que toi aussi, tu as un emploi du temps chargé !

Échanges de mails sympas, puis tu l’appelles. Tu tombes sur sa messagerie. Le soir, chez toi, un mail de lui : il a oublié son portable chez un pote, il t’appelle dès qu’il l’a récupéré ! Tu lui  réponds, tu concrétises l’idée du rendez-vous en proposant un lieu, une heure, tu lui redonnes ton numéro de portable. Il t'écrit qu'il ne peut pas si tôt dans la journée ! Il va à une répète qui n’était pas prévue, il te verra le soir ! Tu restes philosophe tout en te préparant au pire : est-ce que tout ça vaut vraiment la peine ?

Tu l’appelles à midi, le jour du rendez-vous, avant d’aller à la piscine. Tu lui laisses un, puis deux, puis trois messages. Il te répond enfin, te parle de sa répète, et d’un ami à voir. Il te dit qu’il ne sait pas, qu’il ne viendra peut-être pas, ce soir. Son pote a besoin qu’on lui remonte le moral, et comme c’est son pote… Tu vois où tu te trouves dans l’échelle de ses priorités. Tu insistes connement : il promet de te rappeler.
                       
Voilà, tu es là : en enfer. Tu as mal au ventre, tes oreilles bourdonnent, tu ravales tes larmes. Contre vents et marées, tu gardes espoir. Tu as tellement envie d'aimer ! Tu voudrais bien encore y croire. Allons, ouvre les yeux, sois réaliste, rends-toi à l'évidence !

Ce mec-là, il n'en a rien à faire de toi. Il t'a baladée, comme les autres ! Il ne te mérite pas, c'est tout ! Tu t'accroches à du vide. L'histoire est terminée.

Tu ouvres ton ordinateur et tu te mets à écrire.

Tu te demandes bien ce qui peut déterminer ta relation aux hommes, tu n’as toujours pas la réponse. Le bonheur en amour, ce n’est pas encore pour aujourd’hui.

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