Trilogie des voisines 3 sur 3
Juillet 2011
Première partie : Simone
C'est au moment de la retraite
que Simone est venue s'installer dans mon immeuble, un studio au premier étage,
donnant sur les jardins. Elle avait juste soixante ans, pas question pour elle
de faire du rab, son métier de concierge dans un immeuble chic, c'était
terminé.
D'où venait-elle, déjà ? Une
ville bourgeoise de la banlieue parisienne, mais laquelle ? Le Vésinet ?
Le Plessis-Robinson ? Je me souviens, c'était à Saint-Mandé, elle m'en
parlait souvent, elle avait des anecdotes à raconter sur sa vie de concierge,
toujours les mêmes, un chat en haut d'un toit qu'elle avait sauvé, sa cheville
tordue qui depuis lui faisait mal les jours de pluie…
Quand elle est arrivée, Simone
avait un chien, un roquet bas sur pattes, genre teckel mais en plus foncé, plus
corpulent. Comment s'appelait-il, déjà ? Riri ? Fifi ?
Riquet ? Rouxy ? Cela me revient, c'était Bobby. Il n'était plus tout
jeune, il était un peu gras, il peinait à se déplacer…
Simone l'emmenait en promenade,
empruntant le passage côté jardins au bout duquel la porte grillagée donnait
sur une sente, puis sur d'autres chemins. J'habitais là, dans mon studio en
rez-de-chaussée avec terrasse et grand jardin.
J'avais emménagé au printemps
1997, juste un peu après Marie et sa fille Audrey (une douzaine d'années à
l'époque), qui occupaient le studio en rez-de-jardin à droite du mien, de
l'autre côté du passage.
Simone est arrivée plus tard, en
1999 ou 2000. Nous avons fait rapidement connaissance à l'occasion de ses
promenades quotidiennes avec Bobby. Nous discutions dehors, Simone au milieu
dans le passage, Marie dans son jardin, moi dans le mien…
Elle nous a raconté (ce ne serait
ni la première, ni la dernière fois) dans quelles circonstances elle avait
trouvé son appartement, pourquoi de Saint-Mandé elle était venue s'établir ici,
dans ce village tranquille tout près de Meaux.
Simone fréquentait Pierre,
qu'elle nommait plus affectueusement Pierrot. Il était veuf, vivait dans un
pavillon à Villeparisis, ou à Livry-Gargan, à moins que ce ne soit plutôt
Tremblay-en-France. Il venait la voir deux jours dans la semaine, généralement
le jeudi et le samedi.
Au début je trouvais ce mode de
vie plutôt moderne, venant de personnes ayant dépassé la soixantaine. Simone
avait été mariée, avait divorcé, elle avait ensuite vécu seule dans sa loge de
concierge, alors elle voulait conserver son indépendance. Elle n'avait pas
envie de s'embarrasser d'un bonhomme au quotidien, elle avait ses habitudes,
les choses lui convenaient ainsi avec Pierrot, nous avait-elle confié.
Pierre ne restait jamais dormir
chez Simone, il rentrait chez lui retrouver sa fille… J'ai appris un jour avec
effarement qu'elle avait mon âge, qu'elle était fonctionnaire, célibataire,
sans enfant et toujours chez papa, qu'elle partait souvent en voyage avec des
copines…
Bien plus tard (nous sommes
restées voisines pendant plus de dix ans) j'apprendrais que les choses
n'étaient pas si simples, que Simone subissait, plus qu'elle voulait bien le
laisser paraître, une situation très inconfortable. Leur liaison a commencé
alors que Pierre était marié, mais il n'a jamais voulu divorcer, malgré les
demandes de Simone. Sa femme est décédée, il était donc "libre" pour
refaire sa vie, mais il a prétexté cette fois-ci devoir s'occuper de sa fille…
Selon Simone, il lui cacherait même leur liaison, m'a-t-elle dit une fois,
alors que j'étais montée la voir chez elle et qu'elle était dans les
confidences. Voilà pourquoi Simone n'allait jamais chez Pierre.
Après Bobby, mort de vieillesse,
Simone a adopté Loulou, qu'elle a trouvé errant depuis plusieurs jours sur le
parking de la résidence. Elle voulait reprendre un chien, mais un plus petit.
Finalement le destin lui avait envoyé Loulou, de taille moyenne, aux poils gris
et longs, qui lui tombaient sur les yeux. Un chien fougueux, joueur, tout
heureux d'avoir retrouvé un bon foyer après un épisode d'abandon certainement
tragique. Simone pensait que ses maîtres l'avaient emmené en voiture pour le
lâcher ensuite au bord de la route.
Loulou n'était plus un chiot
quand Simone l'a adopté. Un chien, ça ne vit pas très vieux, finalement. Moins
qu'un chat. Au printemps dernier, quand j'habitais encore là-bas, Loulou a eu
des problèmes de santé. Il s'est retrouvé paralysé du train arrière à cause
d'une hernie discale, il ne pouvait pratiquement plus se déplacer. Simone
faisait appel à sa voisine Sophie, qu'elle surnommait "la grande",
pour transporter Loulou dans les escaliers, afin qu'il puisse quand même
prendre l'air, faire ses besoins…
Le vétérinaire avait donné un
traitement, il fallait attendre. Loulou s'est rétabli, mais avec des séquelles.
Plus tard, ce sont ses dents qui se sont mises à tomber. J'ai donné à Simone
les coordonnées d'un dispensaire de soins pour animaux, pour les propriétaires
peu argentés comme elle, qui n'a qu'une petite retraite. Elle n'a jamais eu
assez d'argent pour aller chez le dentiste, alors qu'elle n'a pratiquement plus
de dents…
Simone m'a souvent rendu service,
elle s'est occupée de mes chats (j'en ai eu un, puis deux, puis trois) quand je
partais en vacances, et je partais souvent. Marie et Audrey s'en occupaient
aussi, ou d'autres voisines comme Céline ou Karine, ça dépendait des années,
des disponibilités. Mais fréquemment c'était Simone. En retour je lui
rapportais toujours quelque chose, des spécialités "locales". Je lui
envoyais une carte postale du lieu de mes vacances, c'est une attention à
laquelle je me suis toujours attachée.
Depuis de longues années, Simone
ne partait plus en vacances. Plus jeune, avec Pierrot, elle sillonnait les
routes, ils dormaient à l'hôtel ou montaient la guitoune, comme elle disait.
Elle envisageait deux ou trois jours en Normandie au printemps ou à l'automne,
peut-être à Honfleur, mais ça dépendait de Pierrot et finalement ils ne
partaient pas. Elle restait seule chez elle, la télé allumée, elle sortait le
chien, discutait avec ses voisin(e)s côté jardin ou côté parking, allait faire
ses courses dans sa Fiat Panda, l'ancien modèle…
Le dimanche 19 septembre de
l'année dernière, la veille de mon anniversaire, il y a eu mon déménagement,
puis mon installation progressive dans mon nouvel environnement, un appartement
un peu plus grand, plus proche de mon travail, en rez-de-jardin, avec terrasse…
Le temps de finir de nettoyer le studio que je quittais, j'ai continué à y
dormir, dans un espace vidé soudain plus grand, meublé au minimal, juste un
matelas pneumatique, une lampe de chevet, une table, une chaise, des vêtements
dans un sac de voyage, un livre ou deux, des magazines, le matériel de ménage…
Le mercredi 29 septembre, j'ai
emmené les trois chats jusqu'à leur nouveau domicile et j'ai passé ma première
nuit là-bas, dans un fouillis indescriptible. Il y avait des cartons partout,
jusqu'en haut des murs, jusque dans la baignoire, à peine de la place pour
ouvrir mon canapé clic-clac.
Il me faudrait patienter jusque
fin décembre avant que tout soit correctement aménagé. J'ai acheté de nouveaux
meubles, il a fallu les fabriquer, je vidais les cartons au fur et à mesure, je
passais une partie de mon temps dans les magasins de mobilier et de bricolage,
j'ai fait de la peinture, monté des étagères… J'avais hâte que ce soit
terminé !
Le vendredi 1er
octobre, après la visite de l'agence immobilière et des nouveaux propriétaires
pour l'état des lieux et la remise des clés, je suis allée dire au revoir à
Simone, lui promettant de passer prochainement la voir, j'aurais des occasions
de revenir sur Meaux.
J'ai vu Simone en novembre, un
vendredi soir, je ne sais même pas si elle m'a offert un verre d'eau, la télé
était allumée, elle ne l'a pas éteinte. Elle m'a raconté les dernières
histoires de voisinage, elle n'avait pas été concierge pour rien. Elle
s'entendait bien avec le jeune couple du rez-de-chaussée au-dessous de chez
elle, ils lui donnaient des tomates qu'ils faisaient pousser dans leur jardin.
Il y avait toujours de l'eau dans
le gaz chez le couple maudit du premier étage, apparemment la fille était
partie chez sa mère et lui vivait toujours ici, avec trois ou quatre véhicules
garés en permanence sur le parking de la résidence, des activités louches et
trafics divers… Entre temps ils avaient fait un gosse ensemble, mais ça n'avait
pas l'air d'être la joie, ils continuaient à s'insulter de visu ou au téléphone
et à se cogner dessus. C'était tragique.
Simone avait sympathisé avec les
nouveaux propriétaires de mon appartement, un couple à la retraite d'une
soixantaine d'années. Ils s'y étaient installés avec leurs chiens, avaient
l'air de se plaire, avaient commencé les travaux de rafraîchissement, le
loueraient quand ils auraient terminé.
Loulou n'était pas très vaillant
dans son panier, on voyait bien que c'était un vieux chien maintenant, mais il
était toujours partant pour jouer, pour rattraper les balles que Simone lui
lançait dans l'appartement. Elle m'a raconté des histoires que je connaissais
déjà où il était question de Bobby qui restait sagement assis dans la voiture
quand elle allait faire ses courses au supermarché, puis de Loulou qui s'était
sauvé plusieurs fois sur le grand chemin derrière Jardiland. Je la laissais
parler, elle n'avait pas tant de choses que ça à raconter qui soient un peu
exceptionnelles.
Avant de partir, j'ai dit à
Simone que ce serait sympa de se revoir avec Audrey (maintenant une jeune femme
de vingt-sept ans, bientôt vingt-huit) fin décembre ou début janvier. On
pourrait aller au restaurant, comme on avait fait en juillet. Dans la même
crêperie, si elle voulait. Je l'inviterais chez moi au printemps quand je
serais bien installée, Pierrot pourrait venir aussi…
Début janvier, j'ai envoyé mes
vœux à Simone pour la nouvelle année, en espérant que tout allait bien de son
côté. Je lui reparlais de ce projet de crêperie, je lui téléphonerais bientôt.
J'allais aussi contacter Audrey pour savoir quand elle était libre.
Quand j'ai appelé Simone pour lui
proposer de nous voir avec Audrey le samedi 29 janvier, elle m'a semblé peu
enthousiaste. Oui elle avait bien reçu ma carte mais elle ne savait plus où
elle l'avait mise, elle me remerciait. Non elle ne tenait pas à sortir, son
chien était malade, elle ne voulait pas le laisser seul, elle n'avait pas le
cœur à ça.
J'ai insisté un peu, je viendrai
la chercher en voiture pas plus tard que dix-neuf heures, on ira retrouver
Audrey à la crêperie, elle n'aura rien à payer, elle sera de retour chez elle
au plus tard à vingt-deux heures… Non, rien à faire, Simone n'y tenait pas. Je
lui ai demandé si elle en avait après moi, elle m'a dit non, c'est juste qu'elle
n'y tenait pas. Bon et bien au revoir, alors ?
J'ai raccroché un peu sonnée.
J'étais tout à la fois vexée et désemparée face à son refus de passer un peu de
bon temps avec ses anciennes voisines en buvant du cidre et en mangeant des
crêpes. La première fois en juillet, ça s'était très bien passé ! Surtout
qu'avec Pierrot, elle ne va guère qu'à la cafète de chez Leclerc. Il n'a que ça
à lui offrir, pas même un vrai restaurant ? Un mufle, cet homme-là !
En ce début d'année j'étais
joyeuse et enthousiaste, alors je ne comprenais pas qu'il pût en être autrement
pour les autres. J'en ai voulu quelque temps à Simone, il m'a fallu accepter
cet état de fait, l'idée que je ne la reverrais peut-être jamais, qu'une page
se tournait.
Nous voilà en juillet, je n'ai pas
contacté Simone. Je ne vois pas pour quelle raison de son côté elle
m'appellerait… Elle ne fera aucune démarche dans ce sens-là, j'habite loin,
maintenant…
Je n'existe plus dans son petit
univers, avec son immeuble, le parking, les jardins, son chien, son ami, les
voisins… Je ne fais plus partie de son monde, elle n'a pas besoin de moi. Elle
trouvera toujours autour d'elle des personnes avec qui parler, si elle en a
envie. Moi, j'habite juste à vingt minutes en voiture…
Tout de même, j'étais attachée à
Simone. J'aurais envie d'avoir de ses nouvelles, savoir pour son chien, pour sa
santé à elle, celle de Pierrot, et son moral, est-il plus haut qu'au cours de
l'hiver dernier ?
Deuxième partie : Audrey
Marie est arrivée dans son studio
avec sa fille Audrey, jeune collégienne, laquelle vivait une partie de son
temps chez son père où elle avait une "vraie" chambre, dans une
"vraie" maison. Marie, séparée de son mari, continuait cependant à
travailler avec lui. Ils avaient une grosse affaire en commun (bar, tabac,
restaurant), elle ne pouvait faire autrement tant qu'ils n'auraient pas vendu
et partagé la somme, m'avait-elle dit.
Levée aux aurores, six jours sur
sept, pas rentrée avant quinze heures, treize heures le dimanche. Le lundi, son
seul jour de congé… Ils n'ont vendu que bien plus tard, trop tard, Marie n'en a
pas profité longtemps. Son cancer s'est déclaré, en même pas deux ans elle
était emportée. Audrey avait grandi, travaillait maintenant, mais elle restait
très proche de sa maman, toujours là le week-end, l'accompagnant dans la
maladie, les soins, la rémission, l'espoir de la guérison, et puis…
En 1998, Marie a pris un chiot
tout noir qu'elle a nommé Zizou, c'était l'année de la coupe du monde de
football, avec la victoire éclatante de l'équipe des Bleus. Marie et Audrey
adoraient le foot, pendant cette période-là elles n'ont pas loupé un match,
leur ferveur grandissait au fur et à mesure des victoires des Français
"blacks, blancs, beurs". Je me souviens les avoir vues souvent, chacune
vêtue d'un grand maillot de foot bleu, jouer au ballon avec Zizou dans leur
jardin en riant comme des folles…
Aux dernières nouvelles que
j'avais eues d'Audrey, Zizou était en bonne forme, malgré son âge avancé,
treize ans cette année. C'était principalement son père qui s'occupait du
chien, elle le prenait juste le week-end. Elle louait un petit appartement de
ville, pas loin de la gare. La semaine, Audrey travaillait dur dans un cabinet
comptable. Elle rentrait tard le soir, on lui demandait souvent de travailler
le samedi, elle avait peu de temps pour elle…
Zizou n'aurait jamais supporté de
rester seul toute une journée. Marie l'avait toujours emmené avec elle pour
aller travailler, il ne savait pas ce que c'était de rester enfermé ou attaché
dans le jardin, il était habitué à sa présence continuelle. Quand Marie est
morte, il a continué à la chercher longtemps, m'avait dit Audrey. C'est son
père maintenant qui l'emmenait avec lui pour travailler, il tenait une friterie
sur un parking au bord d'une nationale, dans le sud Seine-et-Marne.
Quand sa mère a emménagé au
printemps 1997, Audrey était toute jeune, douze ou treize ans à peine. Je l'ai
vu grandir pendant toutes ces années de voisinage : de collégienne elle
est devenue lycéenne, bachelière, puis étudiante. Elle a passé avec succès un
BTS secrétariat comptable, est entrée rapidement dans la vie active avec un
premier emploi à la Défense… Plus tard elle avait pu se rapprocher, elle
logeait chez son père en semaine, venait chez Marie le week-end. C'était une ravissante
jeune femme, heureuse de vivre et de partager cette complicité avec sa mère.
Marie est tombée malade, Marie
s'est fait enlever un sein, Marie a enduré tous les traitements, Marie a perdu
ses cheveux, Marie a remonté la pente, elle se croyait guérie, tout semblait
aller pour le mieux, et puis… Marie est morte à l'hôpital, dans la nuit du 26
au 27 août 2008. Cela fera déjà trois ans cette année. J'en ai été bouleversée,
je l'aimais bien, Marie. Rarement la mort ne m'avait concernée d'aussi près. Quel
drame, pour Audrey, à vingt-cinq ans…
Nous étions voisines depuis si
longtemps, nous vivions côte à côte en bonne harmonie, nous nous disions
bonjour, nous nous parlions souvent… Il m'est arrivé plusieurs fois d'inviter
chez moi Audrey et Marie, Simone et Pierrot, pour partager un cidre et une
galette des rois, pour boire un café et manger des petits gâteaux, pour
trinquer avec un verre de champagne lors de ma fête d'anniversaire…
Après la messe dans l'église du
village puis l'enterrement en Auvergne, Audrey est venue plusieurs fois au
studio pour ranger les affaires de sa mère, préparer le déménagement qui a dû
avoir lieu un week-end où j'étais absente. Fin septembre tout était bouclé.
Audrey m'avait confié qu'il valait mieux pour elle faire les choses rapidement,
tant qu'elle avait encore de l'énergie. Elle avait peur de s'effondrer d'un
instant à l'autre. Elle m'a donné son adresse chez son père, son numéro de
portable. Je lui ai demandé des photos de Marie, elle a promis de m'en envoyer,
Simone lui en avait demandé aussi.
Audrey a mis le temps mais elle
l'a fait, plus d'un an après. Elle n'avait pas oublié ses anciennes voisines,
elle nous confiait ces photos en souvenir de sa mère, son geste m'a
profondément touchée. Dans l'enveloppe que j’ai reçue, il y avait des photos de
Marie pour Simone et pour moi, ainsi qu'une gentille lettre où elle s'excusait
de s'y prendre aussi tard pour m'écrire. Elle n'habitait plus chez son père qui
avait déménagé vers Provins je crois. Elle avait trouvé un studio tout près de
son travail, elle me donnait sa nouvelle adresse, son email, me proposait de
passer chez elle, ainsi je ferai connaissance avec sa chatte persane nommée
Mulan…
Nous nous sommes revues en
janvier 2010 autour d'une bonne galette, j'avais apporté le cidre et des chocolats.
Audrey roulait dorénavant avec la voiture de sa mère, je me souviens avoir eu
un frisson en arrivant quand je l'ai vue garée sur le parking. Marie et sa
petite voiture bleu pâle métallisé… Chez Audrey il y avait aussi tous ses
meubles, le lit, l'armoire, la table, les chaises, le meuble informatique,
l'ordinateur, les photos aux murs…
Audrey m'a dit qu'elle avait en
projet d'acheter un appartement dans ce secteur. Son père partirait
prochainement dans le sud de la France, pour prendre sa retraite. Elle ne se
voyait pas le suivre, ni aller vivre en Auvergne, près de la famille de sa
mère. Elle n'avait pas de petit ami, elle avait des ami(e)s, des collègues,
elle allait parfois au cinéma, au restaurant… Elle voyait beaucoup son père, il
passait chez elle lui donner Zizou pour le week-end, puis elle lui ramenait,
ils mangeaient souvent ensemble, ils se rendaient des services.
En juillet dernier nous sommes
allées manger à la crêperie avec Simone. J'en gardais de bons souvenirs, ça
m'avait fait plaisir de nous voir réunies. Pourquoi pas, en ce début 2011,
organiser une nouvelle petite soirée ? J'avais envie de les revoir, mes
anciennes voisines ; sans doute me manquaient-elles un peu. J'étais ravie
d'avance à l'idée de fêter avec elles, simplement, la nouvelle année.
Nous avions été proches, à vivre
dans le même immeuble, au contact les unes des autres, même si nous n'avions
jamais été amies, à proprement parler. Des anciennes voisines, ça compte, dans
une vie. Elles comptaient dans la mienne, je voulais conserver les liens.
Pendant toutes ces années, elles ont toujours été de bonne compagnie, toujours
un sourire, un bonjour, des mots échangés… Grâce à Simone, Audrey, Marie,
j'étais moins seule.
J'ai appelé deux fois Audrey le
soir en semaine vers vingt heures sachant qu'elle finissait souvent tard, elle
ne m'a pas répondu. J'ai laissé des messages, lui proposant la crêperie avec
Simone, lui demandant de me rappeler, elle ne l'a pas fait. Je l'ai contactée
par mail, elle m'a enfin répondu… Elle travaillait beaucoup, elle s'excusait
pour la réponse tardive, elle était d'accord pour le samedi 29 janvier.
Audrey était heureuse de
m'annoncer qu'elle avait acheté un appartement, proche de Lagny. Maintenant
elle était dans les travaux, son père venait l'aider le week-end, il y avait
beaucoup de choses à faire avant de pouvoir y emménager.
J'ai appelé Simone qui a refusé
ma proposition, j'ai rappelé Audrey mais elle était sur messagerie, je lui ai
parlé du problème, je voulais son avis… J'ai essayé sans succès une autre fois
à l'heure du déjeuner…
Finalement Audrey m'a envoyé un
texto le soir où nous aurions dû nous voir. Elle s'excusait de répondre si
tard, elle pensait que comme Simone ne venait pas on avait annulé, son père
était venu pour travailler dans son appartement tout le week-end et elle ne
voulait pas le laisser seul pour le dîner… Comme Simone, Audrey n'y tenait pas,
c'est tout.
En ce début d'année j'étais
joyeuse et enthousiaste, je ne comprenais pas qu'il pût en être autrement pour
les autres. J'en ai voulu quelque temps à Audrey, il m'a fallu accepter cet
état de fait, l'idée que je ne la reverrai peut-être jamais, qu'une page se
tournait.
Nous voilà en juillet, je n'ai
pas contacté Audrey. Son dernier mail date de mars, elle m'écrivait qu'elle
était toujours très occupée par son travail, qu'elle continuait ses travaux
dans l'appartement tout en y ayant emménagé, qu'elle était crevée, qu'elle
avait du mal à récupérer. Pour se voir, ce ne serait pas avant fin mai, elle
m'appellerait… Fera-t-elle prochainement la démarche, même avec du
retard ?
Nous ne sommes pourtant qu'à une
quinzaine de minutes en voiture l'une de l'autre. Je ne peux pas lui en
vouloir, sa vie ne doit pas être toujours facile, elle n'a sans doute pas tout
le temps le cœur à s'amuser.
Tout de même, j'étais attachée à
Audrey. J'aurais envie d'avoir de ses nouvelles, savoir si elle est totalement
installée, si elle prend des vacances, si ses animaux vont bien, et son moral,
est-il plus haut qu'au cours de l'hiver dernier ?
Juillet 2015
Épilogue :
La vie réunit, puis sépare. De
mes deux anciennes voisines, je n’ai revu ni l’une, ni l’autre. Ni Simone, ni
Audrey. Marie apparaît souvent dans tous ces souvenirs que je garde d’elle.
J’ai de nouvelles voisines :
Élisabeth, avec laquelle je parle souvent des chats (le sien s’appelle
Croquette) ou d’autres choses, liées ou non à la résidence. Déborah a déménagé
dans un appartement du centre-ville, mais nous gardons le contact. Elle vient
toujours s’occuper de mes chats quand je m’absente, de même moi je descends
nourrir Patate, dorénavant familiarisé avec son nouvel environnement.
Récemment, le maître de Pirouette
m’a demandé de veiller sur elle, pendant les dix jours de ses vacances. Je m’en
suis acquittée avec un grand plaisir ! Il y a aussi le jeune couple
sympathique, en rez-de-chaussée, qui possède deux jeunes chats, Jack et Roxy.
Et le voisin de l’immeuble d’à
côté, qui vient d’adopter deux chatons, deux sœurs, une noire et une tigrée. On
dirait les « mini moi » de Roxy et de Jack, ou encore ceux de Tempo
et de Léa ! La vie réunit, puis sépare.
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