Quadrilogie francilienne, 1 sur 4
Le passeur
Le 11 août 2015
Vous n’y êtes pour
rien, dans cette histoire. C’est moi qui ai tout inventé.
Je me suis fait mon
propre film, de A à Z : générique du début, décor survolé en panoramique, personnages
importants dès les premiers plans, quelques flash-back, intrigue alambiquée, suspense
insupportable, rebondissement incontournable, volonté de faire perdre leurs
repères aux spectateurs, nouvelle donne (tout s’explique), dernière scène
inattendue, arrêt sur image, musique de fin choisie par mes soins, acide à
souhait.
Vous n’avez été
qu’un personnage de fiction, revu et corrigé par ma fièvre créatrice intense, l’envie
d’écrire un beau roman pour l’été au fur et à mesure que l’histoire avançait, une
histoire palpitante, haletante, dévorante, fleur bleue, à l’eau de rose,
violettes impériales…
Mais je m’égare. Je
ne vous ai écrit que pour trouver grâce à mes propres yeux, ni plus ni moins.
Savoir aussi où tout cela pourrait bien mener. Qui ne tente rien, n’a
rien ! Je vous ai donc écrit, j’ai espéré, j’ai attendu, j’ai eu plaisir à
vous lire en retour, à vous répondre, ensuite… Oui, pour mon seul plaisir.
Ma vie est si peu trépidante…
Amorphe ? Non, quand même pas ! Je me donne les moyens d’avoir de
l’activité. Ces dernières années, ce sont mes courts séjours citadins en France
ou en Europe (deux jours ici, quatre jours là) qui m’ont fait le plus vibrer. Je
suis somme toute quelqu’un de très ordinaire, profitant de l’existence, de ses
petites joies, de ses à-côtés.
Lorsque l’on a
quelques ressources financières, pourquoi se le refuser ? J’ai
décidé : je ne me refuse rien ! Je m’offre de petits voyages, ici ou
là, dans des villes que j’aime bien, certaines que je connais déjà, d’autres
que je découvre. Je ne dépense pas trop d’argent, mais je sais me faire
plaisir !
Voyager en
solitaire… Pas si triste que ça. Au contraire, il y a plein d’avantages, comme
faire ce que l’on veut quand on veut, décider au dernier moment d’un changement
de plan sans que cela crée un incident diplomatique, errer, le nez au vent, la
fleur aux dents, sans souci matériel, boire et manger quand on l’aura décidé,
ne pas se forcer si l’on n’a pas faim, succomber fissa à une grosse fringale…
Bien sûr, les repas
au resto ne sont pas aussi conviviaux, partagés ; bien sûr, les nuits se
passent dans une chambre single (au prix cependant avantageux) et elles ne sont
ni fauves, ni sauvages, ni curieuses, ni torrides, seulement réparatrices…
Quoique, une aventure ? Cela m’est déjà arrivé ! Dans le meilleur des
cas, l’on prend son petit-déjeuner ensemble (après une ultime partie de jambes
en l’air) avant de se quitter, chacun ayant à faire de son côté.
Pour mon plaisir,
j’ai continué à vous écrire, à vous poser des questions de telle sorte que vous
ayez toujours matière à me répondre ; je n’avais plus qu’à attendre que
vous vous manifestiez, une fois ma lettre envoyée. Réponse souvent rapide,
parfois plus tardive, selon…
Car c’est cela, il
s’est agi quelque part de « vraies » lettres, loin des Short Message System,
de Microsoft Network, des tweets ou des likes. Moi qui aime les envolées
littéraires, langagières, lyriques et colorées, cela a été du bonheur de vous
lire, d’entretenir avec vous cette correspondance. Pour cela, je vous dis merci.
Surtout, par cette
relation épistolaire, vous m’avez permis de relancer mon envie d’écrire,
lascive et paresseuse, ces derniers temps. Enfin, l’envie d’écrire pour moi.
D’écrire mes propres textes, sans contrainte aucune, sans norme ni délai, sans
sujet imposé.
Car il y avait
toujours quelque chose à écrire pour l’un ou l’autre des magazines musicaux
intéressés par ma plume, ou alors le reportage d’un concert, avec photos perso,
à mettre en ligne sur mon blog (ayant promis aux artistes de le faire je ne
pouvais me défiler), des posts urgents à publier avant…
J’ai pris du recul
pour ne me consacrer qu’à « mon » écriture. Écrire ce que je veux
quand je le veux, au fil de mon imagination débordante ; incohérence, esprit
tortueux, humour noir, confusion des genres.
C’est grâce à vous, heureux
personnage de l’un de mes textes tordus (et peut-être d’autres à venir), que
j’ai retrouvé les bienfaits de l’écriture et ce malgré son jeu cruel, son côté
il faut triompher du mal, se faire violence, rentrer dedans. La déception,
pourtant, à la relecture : minable, naïf, risible, illisible, impubliable…
Mis à part sur mon blog, évidemment.
J’ai poussé
l’extravagance jusqu’à imaginer entre nous une rencontre improbable,
impromptue, à l’arrache, pour pimenter l’affaire. Cadre urbain, climat estival,
ambiance conviviale, festive, riche en échanges, visages souriants, personnages
hauts en couleur, éclats de rires, pas de danse endiablés, pas de deux
arpentant les trottoirs, brin de conduite sur les boulevards, confidences, promesse
de nous revoir…
Je ris jaune.
Pauvres lecteurs ! Enfin si j’en ai quelques-uns, du moins ! Ça doit
les raser, tout ce charabia. Ils doivent vite passer à autre chose s’ils
se trouvent là par hasard ! Même mes photos de chats n’intéressent pas
grand monde. C’est pour dire, hein !
Cet acharnement
« littéraire » ne sera certainement que temporaire. Quand j’aurai
épuisé tout ce que ma pauvre cervelle ravagée peut produire, j’hibernerai sans
doute pour plusieurs mois. J’en profiterai pour lire, réfléchir, m’enrichir, me
ressourcer à la montagne.
Visionner des séries
sur le lecteur DVD, faire plus de sport, sortir davantage, prendre rendez-vous
avec mes amis, les inviter chez moi, rencontrer de nouvelles personnes, voir
des expos, passer du temps à dormir… L’urgence créative me reprendra peut-être
au printemps, qui sait ? Sur d’autres bases, des fondations toutes neuves,
de nouvelles racines ; sur l’herbe repoussée plus tendre.
Pourquoi fait-on ces
choses qui nous prennent du temps et nous isolent des autres, enfin quand il
s’agit de l’écriture ? Pourquoi se l’impose-t-on malgré tout, pourquoi ces
belles journées d’été passées à l’ombre au lieu de bronzer au soleil avec un
bon vieux bouquin à lire, de se baigner en eau fraîche et gargouillante, de se
promener à la campagne en compagnie agréable ?
Pourquoi vouloir
partager à tout prix ces histoires sans queue ni tête qui pourraient rester au
fond des tiroirs ou sur une clé USB cachée au fond de l’un de ces
tiroirs ? Pourquoi le faire quand même, alors qu’il y a tant à profiter
sur Terre ?
Eh bien bravo, c’est
vous l’heureux gagnant, vous seul avez donné la bonne réponse : « On est parfois amenés à se demander pour qui, sinon pourquoi, on fait
tout ça à part pour nous... Et la réponse est qu'heureusement il y a toujours
des gens pour l'apprécier et à qui ça fait du bien par où ça passe, que ce soit
à travers les yeux ou les oreilles :) »
Rien à rajouter, nickel chrome. Je ne
doute plus de rien. Merci, encore une fois, de tout mon cœur pour votre aide
précieuse.
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