dimanche 4 janvier 2015

Bienvenue à Londres


Trilogie hivernale : 2/3

28 décembre
Ça y est j'y suis, dans l'Eurostar, avec une heure de retard (tu sais pourquoi), mais j'y suis tout de même. Il est neuf heures et quart, j'arriverai à Londres dans deux heures et demie à peine. C'est bizarre de partir ainsi, ce n'est pas ça qui était au programme. Quand je foulerai les quais de la gare Saint-Pancras, la grosse pendule ronde affichera dix heures quarante. J'aurai gagné une heure sur ma première journée de tourisme londonien.

29 décembre
Je ne savais pas vraiment où se trouvait, dans Londres, la gare Saint-Pancras, ni à quelle distance elle était de l'hôtel où je devais me rendre… La fois précédente, j'étais descendue à Waterloo Station. Mais c'était il y a dix ans ! Les choses se sont avérées très simples, à l'arrivée. Earl's Court se trouvait sur la Piccadilly Line, c'était direct depuis la gare, une dizaine de stations… J'y ai été très vite. Ça n'a pas été difficile non plus de trouver l'hôtel, j'ai juste tourné un peu, j'orientais mal le plan. Eardley Crescent y était bien indiquée, mais de quel côté ? J'ai fini par trouver. Quartier résidentiel, rues en courbe, pavées, maisons blanches en enfilade…

Le Boka Hotel est à deux pas de la grande salle de spectacle, la bien nommée Earl's Court. On est pile devant quand on sort du métro. J'ai pris une photo, hier, en arrivant. La chambre que l'on m'a donnée comporte trois lits, j'ai trouvé ça étonnant, mais je n'ai rien dit. La réservation avait bien été faite, c'était le principal, on m'avait donné la clé du 202…

À l'entrée, il y a une petite cuisine, un réfrigérateur, une bouilloire, une corbeille avec du thé, du café en poudre, du sucre, de la crème… Les Anglais ont le sens de l'hospitalité. Je dois dire que j'ai vraiment été bien accueillie, dans cet hôtel. J'ai passé une bonne nuit. Le breakfast, ce matin, était typiquement anglais, bien consistant. J'ai mangé avec appétit ! Café noir, toasts, beurre, confiture, lait, sucre, corn-flakes, assiette chaude avec oeufs, bacon, saucisse et beans… J'ai rajouté du ketchup. Un régal !

Hier en arrivant, je me suis donné du temps pour prendre possession des lieux, ouvrir mon sac de voyage, en sortir quelques affaires… Dans le train, j'avais déjà pris pleinement conscience de la situation. À l'hôtel, les choses se concrétisaient. J'étais déterminée à passer tout de même un agréable séjour, c'était prévu depuis longtemps, j'avais payé pour ça. Je n'avais pas voulu renoncer à mes vacances, j'en prenais mon parti, qu'il en soit ainsi. Mon objectif de l'après-midi était, en partant de l'hôtel, d'aller à pied, à l'aventure, à travers les rues de Londres. J'avais déniché dans le hall un plan gratuit du centre, assez détaillé, donnant les grands axes, des repères touristiques…

Quand je suis sortie, il n'était qu'une heure et demie de l'après-midi, le soleil brillait faiblement certes, mais il brillait. Le ciel était bleu, il faisait frais, l'air était pur… Un beau temps d'hiver. J'avais envie d'aller vers la Tamise, il me suffirait de continuer tout droit depuis Warwick Road, d'enchaîner les rues, selon mon inspiration…

J'ai commencé par visiter un cimetière, le Brompton Cemetery. Il m'attirait, de loin. La lumière y était déjà rasante, orangée, il y avait toutes ces vieilles pierres tombales fichées dans l'herbe, ces grands arbres, cette végétation un peu sauvage, des buissons, des broussailles… Un cimetière à l'anglaise, avec une grande allée principale que les gens empruntaient à pied, à vélo, d'autres même s'entraînaient à la course. Il y avait des bancs pour s'asseoir, l'ambiance était comme celle d'un parc. J'y ai vu mes premiers écureuils gris.

J'ai marché jusque Victoria Station, un bon bout depuis Chelsey ! J'ai pu voir en chemin la Batter Sea Power station, je l'ai prise en photo de façon de plus en plus détaillée au fur et à mesure que je m'avançais, le long de la Tamise. J'ai visité Westminster Cathedral, je me suis dirigée, depuis Victoria Road, vers Westminster Abbey. J'ai vu le Parlement, Big Ben, j'ai traversé le Westminster Bridge… La nuit tombait, la lune se levait, les monuments s'allumaient, il n'était même pas quatre heures.

J'ai poussé jusqu'à Buckingham Palace, en passant par Saint-James's Park. J'ai voulu monter vers Piccadilly Circus, mais je me suis un peu paumée, me retrouvant dans le quartier luxueux de Mayfair. J'aime les jeux de piste alors, le plan à la main, je me suis fait une joie de retrouver mon chemin. Il y avait du monde, sur Regent Street. Je me suis sentie fatiguée, d'un coup. Mes pieds me faisaient mal, j'avais beaucoup marché ! J'en avais bien profité, il était temps de rentrer.

Je suis allée dans un supermarché Boot's faire des emplettes pour mon repas du soir. Une salade aux pâtes avec du poulet épicé, un yaourt aux fruits rouges et aux céréales, des barres Cadbury chocolatées, au caramel et aux fruits secs, des en-cas énergétiques pour le lendemain… Je n'allais pas me laisser abattre. À l'hôtel, j'ai mangé sur l'un des lits en regardant la télé, zappant d'une chaîne à l'autre. Je me suis fait un thé au lait, la bouilloire me tendait les bras ! Je me suis couchée tôt, endormie tôt, bercée par les dialogues insipides d'une mauvaise série britannique.

La météo prévoyait de la pluie aujourd'hui. Elle tombe sans arrêt, depuis ce matin. J'en profite pour visiter la Tate Britain, de fond en comble (ou presque)… Il y a dix ans, quand j'y étais venue, elle se nommait la Tate Gallery. La Tate Britain, c'est plus évocateur : n'y sont exposés que des artistes anglais, des plus anciens aux plus contemporains… J'ai revu avec plaisir les toiles des préraphaélites, et tant et tant d'autres encore, quel émerveillement ! J'ai beaucoup aimé les portraits féminins de John Singer Sargent et ceux de Thomas Lawrence, leurs œuvres mises en perspective dans une salle qui leur est consacrée.

J'ai acheté quelques cartes postales, dont deux de Dante Gabriel Rossetti : "Beata Beatrix" et "The Beloved (The Bride)", de saisissants portraits de femmes. Là, je fais une longue pause au Café Tate, je bois du thé sucré, j'ai mangé un cookie au chocolat, des barres aux céréales… Il me faut des forces avant d'attaquer l'exposition permanente consacrée à JHW Turner, et puis l'autre, la temporaire : "Turner and the Masters", que je tiens à tout prix à voir. Pour les salles modernes et contemporaines, je reviendrai un autre jour. Je suis là pour visiter Londres, arpenter ses rues, aller dans ses musées… Demain, ce sera la National Gallery.

30 décembre
"The weather is damp and grey." Ce n'est pas moi qui le dis, mais la BBC. J'ai bien "petit-déjeuné" ce matin à l'hôtel, dans la salle en sous-sol, niveau moins un. C'est chaleureux, juste ce qu'il faut pour que je me sente bien. Maintenant je suis assise à une table du National Café, je suis venue recharger mes batteries avant de continuer ma visite. De là où je suis, je vois la statue de Napoléon, sur Trafalgar Square, noyée dans la grisaille. Je bois un thé Earl Grey sucré, avec du lait, servi dans un grand gobelet en carton recyclable. Je me délecte de sucreries : tarte au citron, barres aux céréales… Ça fait du bien au moral !

La National Gallery est immense, un vrai labyrinthe, il faut prendre du temps pour s'y repérer. J'avais décidé d'arpenter les salles dans l'ordre chronologique, des œuvres les plus anciennes (treizième siècle) jusqu'aux plus récentes, début vingtième (les impressionnistes). Là encore, un vrai jeu de piste ! Ça en vaut la chandelle, j'en prends plein la vue, je me régale, vraiment ! Ce qu'il m'en restera après ? Peu m'importe. Je prends des notes…

Ce qui compte, c'est ce que j'éprouve sur l'instant, ce sont ces émotions qui jaillissent devant une toile, puis devant une autre, une autre encore… La collection est époustouflante, il y a là des chefs d'oeuvre provenant de l'Europe entière, le choc esthétique est présent en permanence… Et je n'ai pas encore tout vu ! J'ai parcouru avec plaisir les salles consacrées à la peinture hollandaise, ça m'a rappelé des souvenirs. Cet après-midi, je ne veux pas louper celle des peintres espagnols : Vélasquez, El Greco, Goya, Murillo…

Hier, après la Tate Britain, j'ai pris un bateau reliant Millbank à Bankside (proche de la Tate Modern), m'offrant ainsi une belle petite balade nocturne. Si, à cette heure avancée de la journée, je n'allais pas retourner au musée, j'étais partante pour une bonne marche, l'idée étant d'aller jusqu'au Tower Bridge en suivant la Tamise, de le traverser pour rejoindre London Tower… Il avait plu sans discontinuer, il pleuvait encore, bien dru, mais ce n'était pas grave, j'étais correctement chaussée, bien équipée.

Vers dix-neuf heures, mes pieds ont déclaré forfait. Cette fois-ci j'ai fait mes courses dans un Tesco : une nouvelle salade de pâtes, un yaourt au citron, du cheddar aux piments, des petits pains, du chocolat Cadbury… J'ai acheté aussi du "lemon curd" et de la "marmalade" pour rapporter chez moi. À la télé, je suis tombée sur des épisodes de "Cold Case", en version originale, évidemment : un épisode inédit, un autre que j'avais déjà vu. Ce n'était pas très difficile à comprendre.

31 décembre
Hier soir, après mon cours d'histoire de l'art grandeur nature à la National Gallery (il faisait déjà nuit), j'ai décidé d'aller à Covent Garden repérer des boutiques, peut-être faire des achats. Chez Fred Perry, ce n'était que dévastation, quelques polos se battaient en duel ici ou là. Même en soldes, ça ne me faisait pas envie.

L'adresse que j'avais, pour les Dr. Martens, n'était plus valable : c'est devenu un magasin de vêtements. J'ai très bien reconnu l'immeuble, sur King's Street, près du marché couvert, où j'avais acheté, dix ans plus tôt, ces grosses chaussures rouges, à la semelle épaisse, que j'ai finalement peu mises. Chez Camper non plus je n'ai rien trouvé d'exceptionnel. Et puis ce monde, ce monde grouillant, parlant toutes les langues de la terre… Je me suis repliée vers un Marks & Spencer, j'y ai vu quelques articles intéressants : chaussettes, collants, écharpes… J'y retourne tout à l'heure, dans l'après-midi. Demain, ça sera fermé.

Pour l'heure, je domine la Tamise, face à Saint-Paul's Cathedral, du haut du bar-restaurant de la Tate Modern, au septième étage. Le temps est nuageux, mais il ne pleut pas. Je bois un Darjeeling, en feuilles, infusé en théière, dans une "vraie" tasse. Je le trouve excellent, il a une belle couleur ambrée… Je n'ai pas mis de lait, juste du sucre brun. Je crois que je le préfère à l’Earl Grey. Ce matin, j'ai goûté à l'art contemporain, à commencer par l'installation "How is it" de Miroslaw Balka. Je suis entrée dans un container géant où j'ai fait l'expérience de l'obscurité, testant mes sensations face à l'inconnu… Finalement, je suis quelqu'un qui va de l'avant, qui ose affronter les choses à l'aveuglette, bravant les peurs, sans reculer.

Ensuite, j'ai choisi de visiter l'exposition "Pop Life : Art in a Material World". J'y ai pris mon temps, pour ne pas juste "survoler", sinon à quoi bon ? J'ai découvert qu'Andy Warhol avait joué (son propre rôle) dans l'épisode 200 de "Love Boat" (oui, "La Croisière s'amuse" !), ça m'a bien amusée d'en visionner des extraits. Jeff Koons est plutôt bel homme, je ne savais pas, ses exhibitions "Made in Heaven" avec la Cicciolina m'ont laissé rêveuse…

"Les Nazis" de Piotr Uklanski (où l'on voit une quantité impressionnante de photos d'acteurs ayant joué le rôle d'un Nazi) pose question. J'ai trouvé très drôle l'affiche de l'office de tourisme polonais sur laquelle un plombier très sexy dit : "Je reste en Pologne, venez nombreux." Il y avait de la bonne musique dans la boutique (refaite à l'identique) de Keith Haring. J'y ai acheté deux badges. Pour finir, j'ai découvert l'œuvre hallucinante de l'artiste japonais Takashi Murakami (né en 1963), sa vaste entreprise, dans tous les sens du terme. Tant pis pour les cubistes, les surréalistes, le mouvement Arte Povera, les contemporains… Je reviendrai !

L'après-midi est déjà bien entamé, je vais quitter mon poste d'observation et continuer mon exploration pédestre des quartiers de Londres. D'abord aller vers le Nord, en direction du Museum of London, du Wall of London, de Barbican… Puis je prendrai des rues vers l'Ouest, pour retrouver les quartiers de shopping. Je veux m'acheter quelques bricoles, faire deux ou trois cadeaux, je dois penser à mon repas (de réveillon). Salade de pâtes, avec fruits de mer ou saumon ? Un yaourt au citron ? Du chocolat Cadbury ? De quoi ai-je envie ? Pour changer, j'irai dans un supermarché Sainsbury's. Tu te doutes bien que ce soir, je ne fais pas la noce. Je ne vais ni au pub, ni au restau, je resterai juste un peu plus tard dans les rues… J'irai peut-être à Leicester Square ? C'est réputé, pour les cinémas.

1er janvier
Déjà le train du retour, mon Eurostar est parti à seize heures vingt-cinq, je serai à Paris gare du Nord à dix-neuf heures quarante-sept (j'aurai alors avancé ma montre d'une heure). Pour mon dernier jour à Londres, j'avais décidé d'une balade à Regent's Park, pas loin (pour qui aime marcher) de la gare Saint-Pancras. L'intérêt, c'est que je pouvais déposer mon sac de voyage à la consigne et partir librement me promener.

Il y avait du soleil, un vent froid soufflait et il avait neigé ! Je ne m'en suis rendu compte qu'en arrivant aux abords de Regent's Park, c'était blanc partout. Quelle surprise ! J'y ai fait un grand tour, l'étang était gelé, de bonnes âmes nourrissaient moult volatiles, oies, canards, mouettes, pigeons… C'était joli, cette nature en pleine ville, avec ses teintes hivernales. Près du London Zoo, sur une pelouse à perte de vue, des gens jouaient avec leur chien, les faisaient courir, rattraper la balle. Sur les chemins goudronnés, il y avait des familles, des enfants, des poussettes, des couples ou des amis, de tous les âges. Majoritairement des Anglais, m'a-t-il semblé. Tout ce petit monde semblait ravi par tant de merveilles, avait plaisir à être là.

Vers midi et demie, j'ai eu faim, un peu froid. Une halte s'imposait ! Une petite auberge nommée "The Honest Sausage" m'est apparue, à un tournant… J'étais sauvée ! Après avoir commandé un thé (un Earl Grey, ils n'avaient pas de Darjeeling), j'ai pu m'asseoir à l'intérieur. Il faisait bon, c'était rustique, le soleil y entrait par ses rayons obliques, dehors la neige scintillait sous un ciel bleu très pur. La radio diffusait de la musique classique… Un moment de grâce, calme et serein.

L'après-midi, j'ai continué à marcher, me rapprochant de la gare en suivant de petites rues transversales à Euston Road, laissant derrière moi la grande tour cylindrique (Telecom Tower) qui affichait le message : "Happy New Year". Je suis passée devant le British Museum (il était fermé), les hauts bâtiments de l'University College, le grand hôtel Russell… Je regardais ma montre de plus en plus souvent, l'heure tournait. Bientôt, il me faudrait récupérer mon sac à la consigne, dépenser mes dernières livres Sterling, passer les douanes, patienter dans la salle d'enregistrement…

Retour à la case départ. J'occupe la place 28, côté fenêtre, en première classe. Il n'y a personne à côté de moi, et pour cause. C'est le fauteuil que tu aurais dû avoir. J'ai eu parfois les yeux humides, au cours de ces cinq jours à Londres. J'ai même pleuré, une ou deux fois, à l'hôtel. Mais je ne regrette pas ce que j'ai fait. Je reviens de Londres avec des ampoules aux pieds, une boîte de cinquante sachets de Darjeeling, cent soixante-dix-huit photos en souvenir, l'envie de réécouter les Beatles (mais pas en version remasterisée).

Voir aussi les photos, sur ce blog, de Welcome London !

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