mercredi 16 mars 2016

Félicitations

Lettre ouverte

Cher Gérard,

Ce matin, la nouvelle se trouvait en première page du journal local. C'est vraiment génial ! Félicitations ! Ce n'était pourtant pas ton fort, la comédie, quand on se fréquentait !

Mon pauvre ami ! Tu mentais si mal ! Tu arrivais en retard à nos rendez-vous ou alors tu me posais carrément un lapin, et tu avais toujours une bonne excuse pour te faire pardonner. Panne de voiture ou train raté de justesse, ça passait encore.

Mais quand tu t'embarquais dans des histoires rocambolesques, alambiquées, avec enlèvement, séquestration, règlement de comptes, bataille au couteau ou fusillade—tu te trouvais toujours là par hasard—et que ton visage s'empourprait, devenait cramoisi…

Tu t'embourbais, tu t'empêtrais dans des mensonges plus gros que toi. Je ne pouvais m'empêcher de rire, et de te rire au nez ! C'était si drôle ! Mais où allais-tu donc chercher tout ça ?

Remarque, ça ne m'étonne pas trop que tu sois devenu comique. Artiste comique ! Et tu as du succès, ce qui ne gâche rien ! Difficile de faire rire, de nos jours, pas vrai ?

Tu nous fais donc l'honneur de jouer "chez nous" prochainement, de présenter ton dernier spectacle dans cette charmante petite ville provinciale où tu es né, où tu as passé ton enfance et ton adolescence, où tu as connu tes premiers émois, avec moi…

Et moi, et moi, et moi, te souviens-tu de moi ? Je vais venir te voir, sacré Gérard ! Vas-tu au moins me faire sourire ? Vais-je rire autant qu'au temps où nous étions ensemble ?

Avec toi, j'ai souvent ri de bon cœur, aux éclats, à me pisser dessus, même. J'ai ri jaune, aussi, ceci étant. J'ai même pleuré à chaudes larmes quand tu es parti, du jour au lendemain, quand tu m'as quittée sans explication. Sur ce coup-là, pas de discours invraisemblable, pas d'excuse, même bidon ! Rien !

Je n'ai plus jamais eu de tes nouvelles. J'ai même cru que tu étais mort, que tu t'étais suicidé, qu'on t'avait tué. J'ai mis des années à m'en remettre ! Avec le recul, je comprends parfaitement que tu aies voulu tenter ta chance ailleurs, loin d'ici, que tu sois "monté" dans la capitale, comme on dit. Mais pourquoi ne m'as-tu pas proposé de t'accompagner ?

On formait un beau couple, toi et moi, non ? On aurait pu créer un sacré duo ! Toi dans le rôle du beau parleur, moi dans celui de la chiante pas très futée… On pouvait facilement s'inspirer du vécu !

Tu sais, j'ai suivi et je continue à suivre de façon assidue les cours de l'atelier théâtre, à la MJC de mon quartier. Ça m'a beaucoup aidée. Deux fois par an, pour Noël et pour l'arrivée des vacances d'été, nous montons un spectacle, tous ensemble, petits et grands.

Nous n'avons beau être que des amateurs, des provinciaux, ceux dont tu te moques tant dans tes sketches, nous nous débrouillons bien ! Tu devrais venir nous voir, à l'occasion. Ça t'inspirerait peut-être…

Je crois savoir qu'en ce moment, tu es célibataire. C'est, en tout cas, ce qu'écrivent les journaux. M'inviteras-tu à te rejoindre dans ta loge, après ton spectacle ? J'aimerais bien te faire part de mes impressions à chaud !

Quand la fête sera finie, peut-être auras-tu envie d'un dernier verre chez moi plutôt que de rentrer seul à ton hôtel ? J'ai réservé, dès l’ouverture de la billetterie du théâtre, une place au premier rang. Tu me reconnaîtras à mon rire. Si tu parviens à me faire rire, bien sûr ! Alors à bientôt, mon Gérard ! 

Ta Janine

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