Souvenirs musicaux
1) Le retour de Jad
Wio
Maroquinerie,
29 juin 2005. Dix
années ont passé depuis la galerie de portraits fantasmagoriques de
"Monstre-toi". Pas loin de vingt depuis les premiers maxis, en
anglais, sur le label "L'Invitation au Suicide".
Il
y a eu ces fabuleux albums : le sulfureux "Contact", le cosmique
"Fleur de Métal", et puis tous ces concerts auxquels nous sommes
allés. Non, la bête n'est pas morte. Elle nous revient ce soir, chargée de sang
neuf, pour notre plus grand plaisir !
Jad
Wio et ses shows délirants, débridés, sidérants, son rock glamour, sauvage,
sensuel, ses parfums troubles, excitants, ses saveurs orientales aux suaves
effluves, son univers poétique, fantasque, sophistiqué... C'est quasi inespéré
! J'ai manqué à l'appel des concerts précédents, plutôt confidentiels, donnés
dans des lieux insolites. Cette fois, j'y vais.
J'arrive
tôt, je lézarde au soleil. Dans la cour intérieure bourdonne une faune
hétéroclite, très sympathique. Je sirote un soda, je parle à mes voisines de
table.
Mon
regard s'accroche sur Daniel Darc, sur ses bras. Tatoués, radicalement. La couverture d'un livre dépasse d'une des
poches arrière de son jean. Son visage est serein, ouvert, souriant. Je suis
heureuse de le voir là. Je le trouve beau. Un grand seigneur.
21
heures. Je découvre
la petite salle en sous-sol, aux allures de cabaret, pleine comme un œuf. Je me
fais une petite place à l'étage, juste derrière les consoles. Après le clip
"Bienvenue" en intro, les rideaux noirs s'ouvrent sur un voile blanc,
derrière lequel danse, en ombre chinoise, une silhouette lascive. Ambiance peep
show, éclairages saturés de rouge.
Denis
Bortek, talons aiguilles, bas résille, guêpière, cheveux mi-longs, apparaît.
Créature échappée d'une photo de Pierre Molinier, si chère à l'imagerie du
groupe. Les musiciens font leur entrée.
Coup
de théâtre ! C'est bien Christophe Kbye et sa tignasse touffue, à la guitare, à
droite, je crois rêver. Le deuxième élément du duo, l'alter ego. L'hydre à deux
têtes recomposée ! Moi qui étais restée
sur l'idée que Jad Wio était dorénavant l'affaire d'un seul homme...
Que
le spectacle commence ! Cuir, strass, dentelles, magie, paillettes ! Pour nos
yeux éblouis et nos oreilles ravies, les titres s'enchaînent, une foule
d'inédits ! Après les reprises de "Fleur de métal" et "Taiba",
le concert décolle.
"Toxic
boy", "Volte mort", "L'abus de soi" : des morceaux à
paraître sur l'album à venir. Je craque encore sur "You're gonna miss
me".
Suit
un "Cœur dans la bosse" un peu faux et maladroit, un "Amour à la
hâte" dans le duo originel, "Ophélie", "Priscilla"...
"Un drôle de lord nu".
Les
rideaux se referment sur "Rock'n roll niger" de Patti Smith.
Percutant, ensorcelant. Essentiel.
Je
reste dans la salle, un peu sonnée. Je capte des bouts de conversations. Je me
sens partagée, limite mal à l'aise. Je n'aime pas ce côté "ancien
combattant", aux relents nostalgiques, embarrassants. C'était
attendrissant, inégal, un peu bancal, parfois pathétique.
Pourquoi
ai-je la désagréable impression d'être venue à une "boum pour vieux"
? Gueules cassées, vieillies, usées.
Beautés flétries, ridées, détruites. Poupées crevées… Moi aussi, j'ai
vieilli. C'est bien ça qui me gêne.
Le
lendemain matin, je pars travailler avec les titres inusables de "Cellar
Dreams" dans ma voiture, à fond les ballons. Je réalise à quel point cette
musique est importante pour moi.
Jad
Wio a le mérite d'exister à nouveau, phénix mythique, entier, vibrant ! Je
repense à Daniel Darc. L'idée me vient qu'il tire, lui aussi, plutôt bien son
épingle du jeu.
J’attends
d’écouter "Nu", et le prochain concert. Après une visite sur le site
officiel, j’apprends que ça sera "Nu Clé Air Pop".
2) Jad Wio à la
Cigale
Cinq
mois après un show époustouflant dans une Maroquinerie pleine à craquer, Jad
Wio s'offre la Cigale le 15 novembre 2005 et fait salle comble !
Première
partie :
le trio Die Puppe nous plonge au beau milieu des années 80 avec son rock
électro choc décadent. Chanteuse aux charmes de walkyrie, beauté plastique tout
en latex, cheveux orange, délire SM.
Bleu
nuit tranchant, aveuglant, électrique : Denis Bortek s'exhibe dans une tenue affolante,
excitante, sidérante. Créature trouble, masquée, fantasmatique, énigmatique.
Le
spectacle prend des allures d'opéra rock : poésie psychédélique, émotions à
fleur de peau, énergie à l'état pur.
Les
titres s'enchaînent, imparables, impeccables, mêlant les plus anciens aux tous
nouveaux, ceux de l'excellent "Nu Clé Air Pop", album subtil et
raffiné, à la hauteur de toutes les espérances.
Le
public parisien ne s'y est pas trompé en venant applaudir un groupe de
scène incontournable, au passé légendaire, au talent manifeste, résolument
actuel.
Jad
Wio est en grande forme, allez le voir s'il passe près de chez vous ! Je crois
bien qu'une tournée se prépare...
3) Jad Wio à Bagnolet
Concert
gratuit de Jad Wio à Bagnolet, mercredi 22 mars 2006, à 17h30 : une
annonce bien inhabituelle ! C'est l'occasion, pour une poignée de fans et de
novices, d'assister à un show inédit, orchestré par les stagiaires du CFPTS
(Centre de Formation Professionnelle des Techniciens du Spectacle).
Nous
retrouvons avec bonheur le duo originel, soit l'exubérant Denis Bortek et le
fringant Christophe Kbye. Guitares, voix, machines : une formule toujours
détonante, qui a fait les preuves de son efficacité tant sur disque que sur
scène, du temps où les années se nommaient "quatre-vingt".
Attention
ça commence : une
ombre changeante, dans ses contours et dans ses formes, évolue, rideaux fermés,
au centre d'un médaillon de lumière. Dans le halo lunaire, une créature, tour à
tour vampirique, extraterrestre, semble vouloir nous entraîner dans les dédales
de son imaginaire. On se laisse faire.
Les
rideaux s'ouvrent sur un intérieur de velours rouge, où trône un être
androgyne, à talons hauts, bas nylon et jarretelles, corset transparent, longs
gants et loup noirs. Denis Bortek s'affiche avec aisance dans sa tenue de
courtisane affriolante.
À
sa gauche, le costume sobre, la mèche rebelle, Christophe Kbye et sa guitare
aux mélodies ensorcelantes. Place au petit théâtre de Jad Wio, à son cabaret
rock et son peep-show électrique.
"Nu
Clé Air Pop", nouvel album concept tout en ombres et en lumières, est bien
sûr à l'honneur de la playlist. L'orchestration numérique, fouillée, précise,
n'enlève rien à la force et à la couleur de la musique, à la puissance et à la
grâce du chant, en anglais et en français.
Chaud
chaud chaud, c'est le show time de Jad Wio ! Postures et mises en scène, effets
spéciaux, changements de décor, variations d'éclairage, habillage vidéo… Le
spectacle est esthétique, sensuel et généreux, troublant mais jamais vulgaire.
Toutes
guitares en avant, les compères nous servent des versions énervées de titres légendaires
tels que "Taiba", "Bugs", "Cellar dance",
"You gonna miss me", "Walk in the sky with diamonds", la
reprise de "Paint it black" des Stones… (tous regroupés dans
"Cellar Dreams").
On
n'oublie pas que l'on assiste à une séance de travail, avec ses erreurs, ses
imperfections, ses interruptions, ses reprises.
Tout
au long du set, Bortek et Kbye dialoguent, plaisantent, s'invectivent, à la
façon d'un vieux couple toujours heureux d'être ensemble. C'est qu'ils ont
fait, tous les deux, un sacré bout de chemin!
Moi
aussi, j'en ai fait, avec eux. Depuis les premières parties parisiennes à la
Cigale ou à l'Élysée Montmartre où je les ai découverts, les shows sulfureux
dans des boîtes à striptease, puis le "Priscilla Tour" et le
"Cosmic Show" vécus intensément à Reims, à l’Usine et au Cirque, Jad Wio m'a
accompagnée dans le franchissement des années.
La
petite boutique des horreurs de "Monstre-toi" et son spectacle
artificier, même sans Kbye, m'avaient emballée, l'album solo de Bortek un peu
moins. Mes disques de Jad Wio sont toujours restés sur le haut de la pile.
Après
une petite performance, (effets fluo sous lumière noire), le duo revient nous
délivrer quelques vieux titres, tout en fougue et en rage. Bortek a
retrouvé son identité masculine : torse
nu, jeans et boots, belle liane longiligne agitant son tambourin.
Une
tournée en province a débuté début mars. Jad Wio vous attend sur les planches
de sa comédie humaine, avec son imagerie fantasmatique, ses visions oniriques,
ses références littéraires. À applaudir, absolument !
Septembre 2015
Discographie de Jad
Wio :
-Cellar
Dreams (compilation maxis)
-Contact
-Fleur
de Métal
-Cosmic
Show (live à l'Olympia)
-Monstre-toi
-Nu
Clé Air Pop
-Sex
Magik
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