dimanche 13 septembre 2015

Interview intégrale de Maz Plant Out


Le fameux quatuor folk pop joue aux Cuizines de Chelles (77) le 10 octobre 2015 (avec Syd Kult, Diamond Fizz, Jet Banana) pour la sortie de "Three Quests", deuxième EP après "Three Tales" (2014). 

Groupe Pépinière 2012, Maz Plant Out avait autoproduit "Taste of Home", premier album subtilement arrangé. 

Entretien avec Marion (textes, compositions, harpe, chant), point sur les années passées, les projets à venir…




Le 31 août 2015

Bonjour, Maz Plant Out. Je suis très heureuse de vous interviewer pour le Transistor ! C’est pour le numéro 46 qui paraîtra début octobre 2015.

Bonjour Elsa, nous sommes ravis de répondre à cette interview et très reconnaissants au Transistor de nous mettre en couv'! Je (Marion) répondrai au nom du groupe.

-1- Tout d’abord, quelle(s) signification(s) donnez-vous au nom de votre groupe ? Dans quelles circonstances l’avez-vous choisi ?

La genèse provient d'Angleterre où j'ai vécu plusieurs années pendant mes études. "Maz" est un surnom que l'on m'a donné. Quand je suis rentrée en France et que le groupe s'est formé, il était évident pour moi que ce surnom devait apparaître étant donné que c'est là-bas qu'on m'a appelée "musicienne" pour la première fois.
Si vous regardez le logo, vous verrez un labyrinthe dans le camée et du lierre entremêlé. Le lierre est une mauvaise herbe qui pousse, quoiqu'il arrive, vers la lumière. En anglais, labyrinthe se dit "maze". Alors, Maz Plant Out, c'est trouver son chemin à travers le labyrinthe en suivant la lumière.

-2- Vous vous êtes formés en 2001. Comment expliquez-vous que votre premier disque autoproduit, "Taste of Home" ne soit sorti qu’en 2012 ?

En 2001, nous étions très jeunes et nous n'étions pas du tout dans une démarche de développement. Un label anglais (Locarecords) avec qui j'avais déjà collaboré là-bas nous a signés pour sortir un EP "Chansons pour pendus" (2002) dont nous n'avons rien fait du tout. Nous attendions naïvement que quelqu'un entende notre musique de notre fenêtre et vienne toquer à notre porte pour nous promettre la lune. Bien sûr, le groupe a capoté.
Puis en 2008, on s'est reformé et quand Georges (le bassiste) a rejoint le groupe (avec Laurent à la batterie et aux percussions) en 2011 et que l'on s'est senti entier, Widad (la violoniste) nous a poussés à réellement nous projeter vers un album ambitieux, avec de beaux arrangements de cordes, ce qui a donné "Taste of Home".

-3- Maz Plant Out a été sélectionné groupe Pépinière du réseau Pince Oreilles en 2012. Quels avantages, quels bénéfices, quelles aides avez-vous tiré de ce dispositif ?

Ça nous a d'abord permis de valider notre projet en voyant que notre musique était appuyée par des professionnels. C'était un moment étrange pour nous car notre projet était en train de prendre son envol tout en changeant de face avec le départ de notre pianiste, pour devenir un projet "harpistique". Il a fallu reprendre le flambeau d'un présent tout en construisant un avenir.
Nous avons aussi découvert l'étendue du réseau Pince Oreilles et joué dans différents lieux comme le Pub ADK, l'Empreinte, l'EMAA (Ecole des Musiques Actuelles et Appliquées), l'Écoutille, File 7, les Cuizines. Nous avons pu enregistrer une belle session live au Canal Coquelicot, échanger avec Laurent Boutigny sur Vallée FM et rencontrer Myriam Eddaira du Studio D’IKKEN avec qui nous n'avons pas encore réussi à travailler, mais one day baby !

-4- Quels soutiens Maz Plant Out reçoit-il de la part des Cuizines ? Enregistrement, répétitions, logistique… ?

Grâce aux Cuizines, nous avons pu travailler avec des personnes comme Faustine, ou Cyrille Champagne qui nous ont aidés à explorer notre projet et à consolider les directions musicales que nous voulions prendre. Nous avons également participé à la compilation du CBGB en 2013 et rencontré Sébastien Chialli qui a enregistré notre session. On s'est bien compris et il a superbement mixé notre son. Du coup, malgré son départ des Cuizines, nous avons collaboré avec lui pour le mix de notre deuxième EP "Three Quests".
Les Cuizines, c'est vraiment un super lieu de rencontres avec les acteurs du 77 (musiciens et autres), notamment grâce aux sessions de formations qu'ils proposent avec File 7 et qui permettent de nous armer face à la réalité musicale actuelle. Ce n'est pas forcément évident pour nous d'évoluer aux Cuizines qui est un lieu plutôt métal, rock, reggae. On se sent souvent comme des ovnis.
Mais chaque fois que nous avons besoin de faire un point sur nos besoins pour faire avancer notre projet, l'équipe des Cuizines n'hésite pas à se poser avec nous pour nous aider à nous focaliser sur nos priorités et trouver des solutions par rapport à nos moyens.
C'est comme ça que nous avons réussi à sortir le premier EP de notre quadrilogie, "Three Tales". Nous l'avons enregistré aux Cuizines en live dans des cabines séparées, en échange d'une action culturelle auprès de l'école Docteur Roux de Chelles avec notre conte pour enfants "Miss you Mama". Et bien sûr, les Cuizines nous permettent de pouvoir sortir notre deuxième EP "Three Quests", lors d'une belle soirée prochaine!

-5- Quels autres soutiens recevez-vous (ou avez-vous reçu) des membres du réseau Pince Oreilles ?

Nous sommes bien épaulés par File 7, qui est le lieu géographiquement le plus proche de nous avec les Cuizines. File 7 nous a donné beaucoup d'opportunités. C'est là-bas que nous avons présenté notre premier concert Maz Plant Out à la harpe, c'est grâce à l'invitation de Jérémy pour un concert pour enfants que j'ai monté "Miss you Mama" avec Widad, c'est avec eux que nous avons mené nos pas à la prison de Meaux. C'est une équipe qui a toujours eu un discours très positif sur notre projet.
Nous avons été très gentiment accueillis par toutes les autres structures du réseau où nous avons joué. Mention spéciale à Olivier Lehrer de l'Écoutille qui soutient activement notre projet et qui est toujours prêt à mener à bien une action avec nous. En 2014, il nous avait notamment donné la possibilité de présenter "Miss you Mama" à l'école Brel de Courtry. Chaque fois que je l'appelle, il est partant pour nous aider, merci Olivier!

-6- L’EP "Three Tales" est sorti au cours de l’été 2014. La date de sortie officielle de "Three Quests" (également un EP) est fixée au 10 octobre 2015 (vous donnerez alors un concert aux Cuizines). Concernant ces EP, il est question d’une "quadrilogie". Pouvez-vous expliquer votre démarche ?       

Nous voulons sortir 4 EP de trois titres autour du thème "The Smell of Books" que nous réunirons dans un coffret, une fois le quatrième disque sorti. Il s'agit en fait d'histoires collectées depuis mon enfance, des contes, des mythes, des livres, des films qui font écho à ma propre histoire. C'est une excellente façon pour moi de défendre les morceaux sur scène.

Avec "Taste of Home", je présentais sur scène des chansons très intimes et c'était dur parfois de les expliquer, de se dévoiler totalement. Ces chansons étaient des textes que j'avais écrits pour moi.

Cette fois, ma démarche est tout autre, j'ai détourné des histoires qui me parlent et me correspondent mais je peux les donner au public sans avoir peur de me sentir nue sur scène, comme dans ces mauvais rêves. 

C'est la distance parfaite, je peux me mettre au service de l'histoire ou me plonger dans mon ressenti, mon émotion. C'est important pour moi d'avoir le choix parce qu'on n'a pas toujours envie d'être dans l'état du moment où l'on a écrit la chanson. Maintenant, j'ai un interrupteur.

Le 1er EP, "Three Tales", est centré autour de la harpe celtique, en live acoustique, le 2ème, "Three Quests", est enregistré à la harpe celtique électrique avec des pédales à effets. C'est lui que nous présenterons le 10 Octobre aux Cuizines. Le 3ème EP sera enregistré à la grande harpe et explorera la sonorité de l'instrument avec des arrangements de cordes et enfin le 4ème sera encore plus orchestré.

-7- Qu’avez-vous tiré de votre expérience à la prison de Chauconin-Neufmontiers, en mars 2015 ? Il s’agissait seulement d’un concert, ou d’actions culturelles régulières menées à l’intention des détenus ?

Il s'agissait d'un concert unique, pour l'instant. C'était pesant de rentrer dans cet antre où tout est passé à la loupe. Surtout que j'avais fait le choix de venir avec les deux harpes, l'électrique et la grande. Le moment de la fouille a été épique. On sent vraiment qu'on sort de la société.
Ce qui est magique, c'est que le fait de chanter des histoires aide à bâtir un pont entre le public et nous. D'habitude, on ne se pose pas la question de savoir d'où vient le public, ce qu'il a fait avant de venir. Là, c'est différent, on sait que les personnes en face de nous ont fait quelque chose de négatif.
Mais on ne vient pas pour juger ou faire la morale, on vient amener de l'imaginaire mais aussi du connu, du familier à travers les contes sélectionnés et chacun choisi l'introspection ou l'écoute du récit. Les détenus nous ont beaucoup remerciés, c'était cool de sentir qu'on leur avait offert un voyage en dehors du temps, une parenthèse de bouffée d'air.

-8- Comment se sont passées pour vous les Rencontres internationales de harpe celtique de Dinan (Côtes d’Armor, 8 au 12 juillet 2015). Vous avez joué dans un théâtre, mais aussi dans la rue ?

Nous participons aux Rencontres depuis juillet 2013. Nous avons commencé dans le Off "Harpes en rue". On arpentait les rues pavées de Dinan avec notre matos, chargés comme des bourricots (avec une harpe, les pavés, c'est le top !). 

De spots en spots, désignés par la Maison de la Harpe, les organisateurs sont vraiment des personnes super d'ailleurs. Les gens se posaient autour de nous, prenaient le temps d'écouter, c'était vivifiant! 

On est revenu pour "Harpes en rue" en juillet 2014 et dès le premier concert sur le parvis du théâtre, la présidente des Rencontres nous a fait savoir que nous serions programmés l'année suivante. Du coup, nous attendions cette date avec impatience.

Jouer aux Rencontres internationales de harpe celtique pour une harpiste, c'est un peu la classe ! Nous avons été reçus comme des rois ! Nous avions pu parfaire notre set avant de venir sur la scène de Malraux, à Claye-Souilly. Et grâce à Pauline Salomna qui nous a fait le son et la lumière, on est arrivé à Dinan avec un set réglé comme du papier à musique. 

Et puis... pendant que je présentais la deuxième histoire, une de mes cordes aigues a pété... Ce qui a mis tout le jeu de ma main droite à la poubelle pour le reste du concert. Il a fallu rebondir, improviser, faire le deuil de jouer comme une déesse aux Rencontres internationales devant mes pairs.

Heureusement, il y a une super écoute dans le groupe. Ce sont des musiciens non seulement talentueux mais avec qui nous avons tout de même de la bouteille et ils m'ont aidée à combler les trous de ma corde manquante. 

Au final, le concert a tout de même été une réussite, on a été félicité pour notre prestation mais aussi pour notre sang froid. J'ai eu droit à tous les récits de moments de solitude de cordes cassées en live de tous mes harpistes préférés, c'était drôle ! 

Ce qui est marrant aussi, c'est que là-bas, nous passons pour des rockeurs alors qu'ici nous avons l'impression de passer pour des gentils elfes des bois.

-9- À Nantes, il s’agissait uniquement de concerts de rue ? Comment se sont passées les rencontres avec le public ?

Nous avons joué dans les rues de Nantes en 2014, avant notre deuxième Dinan. C'est fou comme la harpe est un instrument qui attire les gens. Le violon aussi. Les gens s'arrêtent spontanément, intrigués, je pense, d'entendre des instruments classiques jouer dans un autre répertoire, qui ne soit pas non plus celtique. Certains restent pour quelques morceaux, d'autres pour tout le concert.
Ce qui est vraiment gratifiant, c'est d'avoir les retours immédiats des gens pendant et après le concert. Beaucoup nous félicitent pour notre originalité. Ça fait du bien parce qu'on a l'impression qu'il faut se plier à un genre musical pour rentrer dans une case afin que l'on puisse nous "placer" quelque part. Alors recevoir des encouragements admiratifs, ça permet de garder la foi en son projet.
Je me souviens d'une anecdote pendant que l'on jouait dans les douves du château des Ducs à Nantes, y'a un papa qui visitait le château qui nous a crié du haut d'une tour : "C'est quoi le nom de votre groupe ?  -Maz Plant Out ! – Hein ?! -Maz Plant Out !!! -C'est vachement bien !" avait-il crié avec ses mains en porte-voix.
Jouer dans les rues, c'est vraiment intéressant parce que le public n'a pas été trié par une programmation, on joue sur la surprise et en été, les gens sont détendus, disponibles pour découvrir. Mis à part une remballe éclair sous la pluie, notre expérience à Nantes a été un total bonheur.

-10- Le conte musical pour le jeune public "Miss you Mama" (duo Marion et Widad) sera-t-il toujours d’actualité pour 2015/2016 ?

Oui, bien sûr, le conte continue de tourner dans tout lieu pouvant être obscur et accueillir notre matériel d'ombres chinoises et la grande harpe. Nous sommes aussi en lien avec les écoles Montessori et bilingues, vu que l'histoire de notre conte est construit sur notre répertoire français/anglais. Nous aimerions également transcrire ce projet en livre-audio. Ça fait partie des projets que j'aimerais voir prendre corps en 2016 avec notre graphiste Alexandre Bayle, dans le même univers visuel que la pochette de "Three Tales".

-11- Il y a aussi le projet d’orchestration de la musique de Maz Plant Out avec les orchestres et ensembles des conservatoires Marne et Chantereine : ce sera un travail de longue haleine sur toute la saison 2015/2016 ? Avec des concerts permettant de mettre en lumière le fruit de vos recherches ?

Oui, monter sur scène avec un orchestre, c'est une grosse envie depuis notre collaboration avec un quatuor à cordes sur notre premier album "Taste of Home". Nous sommes tous enseignants dans la musique et nous aimons l'idée de bosser avec des profs et des élèves avancés, qui se posent sûrement des questions sur le devenir de leur rôle avec leur instrument. Ça nous semble important de pouvoir leur montrer justement qu'un instrument n'a aucune barrière de style ou de répertoire, avec les équipements de leurs territoires.
Mais pour ce projet, on se heurte au manque de budget auquel doivent faire face beaucoup des équipements avec lesquels nous voulions travailler, pas mal de subventions ont été coupées. Nous allons sûrement bosser avec les classes de harpe et de flûte traversière et restituer ces arrangements à l'Ecoutille courant printemps 2016. Pour le reste, c'est encore à suivre.

-12- Avez-vous toujours le même graphiste pour vos pochettes (Alexandre Bayle) ?

Oh yeah ! Alexandre est un musicien (batteur) qui partage plusieurs projets avec Georges et qui, de par son autre métier, est le graphiste de tous ces groupes. C'était un coup de poker parce qu'à priori, rien de ce qu'il  n'avait fait auparavant ne correspondait à notre univers, mais chaque travail qu'il avait effectué sur les autres groupes ne se ressemblait pas et collait bien à la musicalité du projet. Et bingo ! Il sait si bien dialoguer et se mettre à l'écoute de nos idées et envies qu'on a l'impression que ses images sortent directement de notre tête. Nous lui avons d'ailleurs demandé de nous dessiner un clip pour notre titre "Somewhere". On a aussi prévu de travailler avec lui pour les deux autres pochettes des EP à venir. On tient notre perle, on ne la lâche plus!

-13- Avez-vous quelque chose à rajouter au sujet de Maz Plant Out, qui pourra intéresser les lecteurs du Transistor ?

Oui, déjà merci de nous avoir lu ! Nous sommes heureux de faire la musique que nous faisons et nous espérons qu'elle vous procure autant de plaisir à l'entendre que nous en avons à la jouer. Nous allons avoir besoin de votre soutien financier pour sortir notre clip "Somewhere", titre figurant sur "Three Quests". Un KissKissBankBank va bientôt voir le jour, nous espérons que vous serez nombreux à y participer. Merci Elsa de nous avoir permis de dévoiler un peu de Maz Plant Out.


-14- Pour la question supplémentaire sur ma pratique de la harpe :

J'ai commencé la harpe il y a 6 ans, au conservatoire, un peu comme un pari, un challenge de moi à moi, pour vérifier un vieux rêve. Et là... une vraie révélation, l'amour absolu ! Bien-sûr, j'étais déjà chanteuse, je composais mes propres mélodies et je mettais mon grain de sel dans la direction artistique des compos du groupe. Mais quand je suis devenue harpiste, un autre monde musical s'est ouvert à moi. J'ai vraiment eu l'impression de devenir une autre musicienne, d'écouter différemment les instruments du groupe. Et quel plaisir de jouer avec les autres, d'être à l'intérieur de la musique. On est si seul au chant, je trouve. Je partage d'ailleurs avec délice le micro avec Widad.
La harpe me permet de mieux faire partager ma musicalité, je sais mieux la donner que seule derrière un micro. Et puis, je peux me suffire à moi-même, je suis plus complète, les harpes sont mes potes.
Lala Bee, ma harpe celtique électrique est idéale pour voyager et mettre des effets. Black Abigail, ma grande harpe, me donne une chaleur corporelle sans pareil à travers sa sonorité et ses vibrations directes contre moi. Elle m'offre, grâce à ses pédales, une infinité de choix de tonalités ou de modes. Chaque fois que je me glisse derrière l'une d'elles pour composer, je n'en ressors jamais déçue.

Propos recueillis par Elsasong, pour le Transistor et le réseau Pince Oreilles.

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