3 juin 2015
Léa
Aujourd’hui mercredi,
ma maîtresse m’emmène chez le vétérinaire. Lundi, en prenant rendez-vous par
téléphone, elle a répondu à la secrétaire : « Oh non, rien de grave,
juste un check-up, pour ses vingt ans. » C’est que je m’approche à grands
pas de mes vingt années de vie ! Sur mon carnet de santé, pour ma date de
naissance, il est indiqué : « juin 1995 » sans précision du
jour. Selon ma maîtresse, je serais plutôt née fin juin ; elle se souvient
être venue me voir alors que, mes frères et sœurs et moi, nous n’étions pas
plus gros que des souris, nous avions encore les yeux fermés.
Tout s’est bien
passé pour moi dans le cabinet de la vétérinaire (elle s’appelle Émilie, elle
est très gentille, elle s’est déjà occupée de moi pour mes vaccinations, ou mes
infections urinaires). Pas de piqûre cette fois-ci mais beaucoup d’attentions à
mon égard : Émilie m’a palpé le dos, le ventre, les pattes ; il m’a
fallu ouvrir la bouche, pleine d’abcès et de dents pourries (il ne me reste que
trois canines et des petits bouts de molaires).
Oui, je le sais,
j’ai mauvaise haleine et ce n’est pas toujours agréable pour moi de manger car
toute la bouche me fait mal. Ma maîtresse me laisse pourtant la lécher sur le
bout de son nez ; elle ne dit rien sur mon odeur buccale, cela n’a pas
l’air de la gêner.
Alors apparemment,
je vais avoir un traitement supplémentaire (actuellement j’avale, comme une
friandise, mon cachet quotidien pour les reins et le cœur) à base de capsules
de foie de morue pour me booster en omégas 3, et un autre truc, pour avoir plus
d’entrain.
Cela ne sera sans
doute pas une partie de plaisir, ni pour ma maîtresse ni pour moi, et elle aura
beau ruser, si je n’ai pas envie de les prendre, ses médicaments, je bouderai
la nourriture dans laquelle elle les aura cachés. Elle finira par capituler,
c’est sûr, mais elle continuera, par ailleurs, à bien s’occuper de moi.
7 juin 2015
Léa
On est dimanche,
elle est là, elle n’a pas bougé d’ici de la journée ; elle s’est activée
quelque temps pour le ménage, la lessive, l’étendage, le rangement… Des trucs
que je ne peux pas faire, moi ! Là, je suis dehors, au soleil, sur la terrasse,
pas très loin d’elle qui est à son bureau, « à faire de l’ordi »,
comme elle dit, en riant. Je suis allongée sur le flanc, les yeux mi-clos ;
de temps en temps elle me regarde, je vois qu’elle me regarde, qu’elle veille
sur moi.
Ce matin, Patate est
passé réclamer à manger à ma maîtresse, pourtant il n’habite plus là, ses
maîtres ont déménagé… Et lui avec ! La voilà qui se laisse amadouer, qui
sert une ration de pâtée et de croquettes au gros rouquin tout crade ;
elle ne le laisse pas rentrer, non, tout de même, elle dépose sa gamelle
dehors, mais lui aussi a droit à une caresse, quand il commence à manger.
Sacré Patate !
Cela fait quelques mois déjà qu’il a un nouveau logis, au centre-ville, avec sa
chambre personnelle, paraît-il, mais il s’obstine à revenir à la résidence, comme
si c’était encore chez lui. Quel tempérament ! Dès qu’il a la permission
de sortir, il traverse le village sur ses quatre pattes, déterminé à regagner
et à continuer de régner, coûte que coûte, sur « son » territoire.
Mais s’il ose entrer dans « mon » appartement, par une inattention de
ma maîtresse, je le crache copieusement et je gronde. Fais le mariole dehors si
tu veux, ignoble Patate, mais chez moi, bas les pattes !
Sa gentille
maîtresse, celle qui s’occupe de moi (et des deux autres) quand la nôtre part
en voyage, eh bien quand ça fait trop longtemps qu’il n’a pas réapparu à son
nouveau domicile, pousse son dévouement jusqu’à venir le rechercher ici en
voiture ! Elle l’appelle, il arrive nonchalamment, elle le prend dans ses
bras, le charge dans son véhicule… Et hop ! Retour au bercail ! La
classe, Patate, la super classe !
Dans la série des
plans « incruste », Pirouette se débrouille bien, elle aussi. Il faut
toujours qu’elle vienne fouiner, qu’elle fasse son petit tour pour grappiller
de la nourriture, un reste de pâtée ici, quelques croquettes là… Sans-gêne au
possible, d’une humeur massacrante, une vraie teigne, ingérable …
À un moment, son
maître ne s’occupait pas beaucoup d’elle, il n’était pas souvent là, il la
laissait dehors, livrée à elle-même. Alors, elle trouvait refuge chez quelques
voisin(e)s accueillant(e)s, qui ont commencé à s’inquiéter de sa fertilité
prochaine, d’une progéniture à venir… D’ailleurs, n’avait-elle pas déjà le
ventre plus arrondi ?
C’est ma maîtresse
qui a pris la décision d’emmener Pirouette chez le vétérinaire, pour la faire
opérer, à ses frais. Son maître n’a pas trop mal réagi à la nouvelle, il a bien
fallu qu’on le lui dise ! Depuis cet épisode, il donne plus d’attention
(et d’affection) à sa petite diablesse. Il est plus responsable.
Malgré tout, il faut quand même qu’elle vienne chez moi ! Elle montre sa mignonne figure à la
fenêtre, utilise le procédé d’agrandissement et de noircissement de ses yeux
comme le Chat Potté de Shrek… Infaillible ! Comme ma maîtresse l’aime
bien… Elle aussi a droit à des caresses quand elle commence à manger.
7 juin 2015
Tempo
Me voilà
tranquillement allongé sur le coussin du fauteuil rouge, quelques rayons de soleil
entrent dans le salon et éclairent ma fourrure lisse et brillante. Je suis
bien, je profite de la maison et de la présence de ma maîtresse. Elle est
assise à son bureau, « à faire de l’ordi » comme elle dit, en riant.
Pour une fois, elle écoute de la belle musique, mes oreilles sont ravies, je me
sens meilleur. Il y a des voix superbes, un orchestre léger, des harmonies
subtiles, raffinées, délicieuses. « Les Indes galantes de Rameau, ça
y est, j’ai trouvé ! » a-t-elle lâché, tout à l’heure, en pianotant
sur sa machine. Ça me change de Dominique A à toutes les sauces, ou de tous ces
sons graves et saccadés qui me vrillent la tête. Là, au moins, je me repose.
Il ne faut pas qu’elle
cherche bien loin, concernant mon instabilité, mon irritabilité, mon sale
caractère. C’est à cause de « sa » musique ! Je suis traumatisé
par tout ce qu’elle m’inflige, depuis mon plus jeune âge, en matière de
musique. Bientôt treize ans ! Treize ans de malheur !
Non, je plaisante.
Je suis comme ça, pas mauvais bougre, mais il ne faut pas me chercher, je
démarre au quart de tour. J’aime bien entretenir de l’agressivité ; qu’ils
soient sur leurs gardes, les deux autres, là, mes colocataires, et puis les
squatteurs de première, Patate et Pirouette. Ceux-là, je les déteste.
Profiteurs ! Sauvageons ! Opportunistes !
En plus, Patate a déménagé
dans un beau logement du centre-ville, mais il continue à faire régner la
terreur sur son ancien territoire. Il traverse rues et jardins pour revenir
ici, pour nous tenir sous son respect, ne nous laissant aucun répit. Patate est
bagarreur, il cherche des noises pour le plaisir de sortir ses griffes et
d’asséner des coups violents à ceux qui sont moins forts que lui.
Aujourd’hui, il m’a
laissé tranquille. La vieille lui a passé un de ces savons quand il s’est
immiscé chez nous, ce matin ; il s’est carapaté vite fait, la queue et les
oreilles basses ! Pour ça, la vieille, chapeau ! Une vraie
terreur ! Elle donne encore de la patte, des grondements et de la
voix ! Toujours debout, vive et alerte, heureuse de vivre. Enfin, quand
elle ne dort pas. Car elle passe beaucoup de temps à dormir, quand même.
Par contre, tous les
matins, c’est la première réveillée, avant même que le réveil ait sonné ;
elle « patasse » sur le lit de la maîtresse, sur son corps endormi,
elle plante ses grilles dans ses cheveux, elle lui lèche le visage…
« C’est bientôt l’heure mais ce n’est pas encore l’heure, laisse-moi
dormir ! » lui dit-elle, en bougonnant.
C’est toujours la
vieille qui est nourrie en premier, sur son poste attitré, sur la machine à
laver. En ce moment, elle de plus en plus de mal à y monter, malgré la chaise,
juste à côté, comme étape. Alors la maîtresse l’aide à atteindre ses gamelles,
puis la caresse quand elle entame son repas.
Le deuxième à être
servi, c’est moi, en bas, dans un espace entre deux meubles. Moi aussi je
reçois mon petit lot de caresses quand je mets à manger. Je ronronne de
satisfaction. La troisième, c’est la petite grosse, la boule, la bonbonne, la
baudruche, la feignasse : ce qu’elle a pris en rondeur ! Tout l’hiver
elle a dormi, elle a fait des réserves ; mais maintenant, elle mange
toujours autant et fait bien peu d’exercice !
Moi, j’arpente la
résidence et ses alentours des nuits durant, inlassablement, le jour aussi
maintenant que la belle saison est revenue, me frottant à moult congénères,
certains peu reluisants, d’autres jeunes débutants, qu’il faut mettre au pas…
Tiens, la maîtresse
s’active, elle se lève de sa chaise, sort chercher le linge qui est resté dehors
tout l’après-midi, suspendu aux arbres ou impeccablement étendu sur le séchoir.
Elle va dans la salle de bains, fait couler de l’eau dans la baignoire, on est
dimanche soir, c’est le rituel du bain.
Elle a aussi sorti
notre boîte de pâtée du réfrigérateur, pour qu’elle ne soit pas trop glacée
quand elle nous nourrira, tout à l’heure. La vieille commence à s’énerver, à
aller et venir, à miauler sourdement, ce qui n’est guère étonnant puisqu’elle
est sourde, depuis plusieurs années. Pour le moment, je continue de me
détendre, en attendant mon dîner.
10 juin 2015
Kiwi
Ma maîtresse est à
la maison, c’est bien agréable quand elle reste là, au lieu de partir je ne
sais où, du matin très tôt au soir parfois très tard. « Au revoir Kiwi, je
vais travailler, bonne journée ! » me dit-elle doucement en
m’embrassant sur la tête, juste entre mes deux oreilles. J’adore ça ! Si
les deux autres sont là (l’ancêtre est toujours là), ils ont droit au même
traitement de faveur. Un mot gentil et un baiser, juste avant son départ. Tous
les jours, elle n’oublie jamais.
Cette petite
attention délicate me fait ronronner de plaisir et je m’endors, couchée en
rond, sur le canapé-lit fait ou défait, selon son bon vouloir. Comme elle nous
laisse toujours de quoi grignoter, je fais plusieurs fois dans la journée le
trajet dodo-croquettes ; le sommeil est meilleur le ventre plein !
Du coup, j’ai pris
de l'embonpoint ; même que ma maîtresse m’appelle dorénavant « ma grosse boule »
au lieu de « mon petit bébé chat ». Je suis profondément vexée
lorsqu’elle me confond avec le psychopathe, celui qu’elle nommait « le
gros » quand il était gros. S’il en impose toujours par sa stature, il est
maintenant plus svelte et mieux proportionné.
Ces derniers temps,
quand je reste la journée à la maison, j’ai remarqué que les rations d’en-cas
avaient bien diminué, voire qu’elles étaient inexistantes. Une volonté de ma
maîtresse, sans doute, pour m’aider à mincir, à retrouver mon poids de jeune
chatte fougueuse et enjouée ! Ces privations sont un supplice !
Ce qu’elle m’inflige,
elle devrait se l’infliger également à elle-même, car elle aussi a pris du
poids, et cela ne l’empêche pas de continuer à s’empiffrer pour tenter le
record d’être aussi large que haute. Déjà qu’elle n’est pas bien grande…
Désolée, la faim me
rend méchante. Car ce matin, ma maîtresse a beau être là, « à faire de
l’ordi » comme elle dit, en riant, les gamelles restent désespérément
vides depuis le petit-déjeuner. Il y a bien un fond de lait dans une tasse…
Ça oui, pour le
lait, je peux lui faire confiance. Il n’y a que moi qui en bois dans la
maisonnée, mais elle m’en sert un peu, chaque jour, dans « ma »
petite tasse bleue. Elle sait combien cela me fait plaisir, je lui en suis
reconnaissante. Quelle bonne maîtresse elle est pour moi !
Pour l’ancêtre et le
psychopathe, aussi. Comme moi, ils ont droit, au début des repas, à de fines
caresses et à quelques mots tendres. Je sais bien qu’ils étaient là avant moi, que j’ai dû gagner chèrement ma place, que
rien n’est définitivement acquis…
L’ancêtre me grogne
dessus quand elle n’est pas d’humeur, mais comme elle est sourde, elle ne
m’entend pas lui répondre de manière effrontée : « Ferme-la, la momie ! » Je
me méfie du psychopathe comme de la peste, il a l’air gentil à vue de nez puis
la seconde d’après il m’envoie un coup de patte sans aucune raison ; de la
méchanceté gratuite, quel être malfaisant !
Au fur et à mesure
de mon existence, mon caractère s’est forci ; je ne suis plus la crème des
chatons de mes tendres années. Quand j’ai vraiment faim je miaule, et bien fort
(ma maîtresse me dit que je geins), j’insiste si elle ne répond pas à mes
exigences, si elle ne me donne pas à manger immédiatement, si elle ne m’ouvre
pas la porte côté jardin alors que j’ai envie de sortir…
Ronronner en tétant
le pull ou le gilet de ma maîtresse, ça, je le fais toujours, et très bien.
Cela l’enchante, elle me prend dans ses bras, elle me caresse en murmurant des
choses gentilles à mes oreilles, elle couvre ma tête de bises légères et
délicates, je suis aux anges… Alors, peu importe si de temps en temps elle
lâche : « mon gros bébé chat », je ne me vexe pas, elle m’aime
comme ça…
14 juin 2015
Léa
Quand ma maîtresse
m’a présenté mon petit-déjeuner, il y a de cela quelques jours, j’ai tout de
suite senti qu’elle y avait ajouté quelque chose. Ce n’était pas appétissant,
j’ai refusé de manger, malgré tous ses encouragements : « Allez, Léa,
c’est pour ton bien ! » Elle avait donc entrepris de me faire prendre
les médicaments de la vétérinaire, mais on ne me la fait pas, à moi ! Elle
ne m’a rien donné d’autre, alors j’ai passé la journée le ventre vide.
Le soir, quand elle
rentrée, rebelote. Elle m’a donné la même gamelle, qu’elle avait placée dans le
réfrigérateur le matin. J’ai bien voulu du cachet, oui, la friandise avant le
plat de résistance… Mais j’ai boudé la pâtée.
Exaspérée par mon
intransigeance, elle a ouvert une boîte de thon, a ajouté à mon
« repas » ce jus que je trouve succulent habituellement. Mais non,
décidément non ; l’odeur qui se dégageait de cette
« nourriture » ne m’ouvrait pas plus l’appétit, même après douze
heures de jeûne. « Bon, puisque c’est comme ça, je ne te donne que des
croquettes, tant pis pour toi ! »
Le lendemain, j’ai
eu droit à un menu « normal », matin et soir ; je me suis bien
bâfrée, j’ai absorbé le contenu entier du sachet. Aurait-elle déjà capitulé, si
vite ? N’aurait-elle pas une autre idée derrière la tête pour me forcer à
prendre ces gélules malodorantes et ces comprimés au goût chimique ?
Le jour suivant,
j’ai senti ma douleur quand elle m’a immobilisée entre ses jambes, qu’elle m’a
ouvert la bouche pour m’administrer le quart de cachet aux effets
antidépresseurs, puis la gélule riche en omégas 3, qu’elle avait auparavant
percée, pour me faire couler l’huile directement dans le gosier au lieu de la
mélanger à ma pâtée. Elle m’a félicitée pour ma docilité et j’ai pu enfin
accéder à une alimentation « non frelatée ».
Alors voilà, les
vieux, ça prend plein de médicaments pour rester en forme. Mais si j’ai déjà
atteint cet âge exceptionnel de vingt ans, ce n’est certainement pas grâce à
eux ! Certes, l’amuse-gueule quotidien a des effets bénéfiques sur mon
corps ; je me sens mieux, plus à l’aise, je l’admets. Mais pour le
reste ? Est-ce bien nécessaire ?
Ma maîtresse va se
fatiguer avant moi, j’en suis sûre. Une affaire d’une semaine, pas plus. Je
n’aime pas lorsqu’elle m’appelle « château branlant », même si c’est
par affection, par gentillesse.
14 juin 2015
Tempo
Depuis que la
vieille est sourde, qu’elle miaule fort, de façon discordante, on ne s’entend
plus, ici ! Alors moi aussi j’ai décidé de mettre un peu de la voix, de
montrer que je suis là, que j’existe, que j’ai faim ! Mais ma maîtresse se
moque de moi quand je m’exprime, elle trouve que je miaule bien aigu pour un
mâle, elle dit que je couine, elle m’appelle « Farinelli ».
Si elle ne m’avait
pas fait subir l’infâme opération de castration lorsque j’étais encore chaton,
nous n’en serions pas là ! Elle comptait faire de moi le plus grand
chanteur félin soprano du siècle ? Eh bien voilà, j’ai la voix aigüe! Mon chant lui vrille tellement les oreilles qu’elle répond fissa à
mes exigences, au moins c’est efficace !
La boule s’y est
mise également, mais elle, c’est dans le registre des bêlements ; on
dirait un agneau d’Ouessant qui cherche sa mère, c’est pathétique, pauvre grosse
chose ! N’empêche, ses braillements ont le mérite, eux aussi, d’accélérer
la manœuvre quand il s’agit des repas ! Notre maîtresse ne sait plus où
donner de la tête face à notre trio tonitruant, notre concert dissonant, nos
cris extravagants, un peu comme dans « Les musiciens de
Brême » !
Hier après-midi,
comme je faisais mon tour dans la résidence, j’ai aperçu deux nouvelles
créatures, des congénères minuscules, un noir et un tigré, qui sautaient
partout, qui jouaient à se poursuivre, avec leurs grands yeux étonnés. La
relève est assurée, à ce qu’on dirait !
Je croise souvent
Jack, le chasseur d’oiseaux à la robe tigrée d’une finesse exceptionnelle ;
également, depuis quelque temps, sa colocataire, Roxy, toute noire, jeune et
gracieuse, assez craintive…
Patate vient moins
souvent par ici, il s’adapte à son nouvel environnement du centre-ville, il y conquiert
peu à peu son nouveau territoire. Merci, Patate ! Je vais pouvoir accéder de
nouveau aux fonctions de chef de la résidence. Allez hop ! Aux
commandes !
14 juin 2015
Kiwi
Ça y est, j’ai eu le
déclic, je me restreins côté nourriture, je fais un régime. C’est bientôt
l’été, il fait chaud, mon poids me pèse, je ne supporte plus qu’on m’appelle
« la boule », c’est… trop lourd à porter ! Vive les bonnes
résolutions, les séances de gymnastique et de remise en forme ! Je veux
que ma maîtresse soit fière de moi, de ma silhouette gracile et longiligne, qu’elle
s’adresse de nouveau à moi par « mon petit bébé chat ».
Ce n’est pas gagné.
J’ai pris du poids, j’ai pris de l’âge, aussi. Huit ans, cette année ! J’ai
changé, j’ai mûri, j’ai pris de l’assurance, de l’importance, et… des rondeurs.
Alors, dorénavant, j’accepte les restrictions journalières. J’ai droit à de la
pâtée et à des croquettes, mais c’est l’un ou l’autre, et les rations ont encore
diminué. Aïe aïe aïe !
L’ancêtre, par
contre, ce qu’elle est maigre ! Pourtant, elle en engloutit, de la
nourriture ! C’est spectaculaire ! Respect, l’ancêtre, respect. Si un
jour j’atteins ton âge, je penserai bien à toi. Pour le moment tant mieux, elle
a toujours de l’appétit, et l’appétit de vivre, aussi ! Quand l’appétit
va, tout va, c’est ce qu’on dit.
Parfois, quand la
maîtresse s’en va dès le matin et que je décide de rester à la maison, je me
fais une place pas loin de l’ancêtre, sur le canapé-lit. J’aime bien dormir
« accompagnée ». Ses ronflements paisibles me mènent vers le sommeil,
je suis bien. Quand elle fait des cauchemars, qu’elle se réveille en hurlant,
on croirait qu’on l’étripe, c’est beaucoup moins agréable. Je sursaute, je me
demande ce qui arrive, j’ai mal pour elle. Je ronronne près de son oreille,
pour qu’elle ressente mes bonnes vibrations. Généralement ça la calme, elle se
rendort.
Maintenant qu’il
fait beau, je reste dehors toute la journée, des fois jusque tard le soir, en
attendant que ma maîtresse rentre. Elle aussi profite des beaux jours et des
longues soirées pour sortir, elle a bien raison ! Elle revient gaie, un
peu pompette, enthousiasmée par un « super concert ». Il y en a eu
des tas, de « supers concerts », depuis le début du printemps !
Miossec, Shannon Wright, Magma, Dominique A, Minuit 6 Heures, Orange Blossom…
Elle n’arrête pas !
17 juin 2015
Léa
Première
victoire : ma maîtresse arrête les antidépresseurs (pour moi, pas pour
elle) car la prise de ces cachets, censés me donner un peu plus de vivacité,
m’a rendue extrêmement nerveuse, angoissée, gémissante. Dimanche soir, elle ne
me reconnaissait plus, elle était très inquiète pour moi. « Bad
trip », a-t-elle lâché en constatant sur ma personne les effets
dévastateurs de cette médecine barbare. Par contre, les omégas 3, je n’y coupe
toujours pas. Elle m’a dit : « J’attends de voir, si ça te fait du
bien ou pas. Sois patiente, ma Léa ! »
Hier, elle est
encore rentrée très tard, bien après la tombée de la nuit. Elle m’avait
prévenue, avant son départ au travail : « Ce soir, je vais au concert
d’Anne Cardona, elle m’a invitée, c’est chouette, tu sais, de sortir à Paris ! »
À son retour, elle n’était ni gaie ni pompette, elle avait même l’air triste,
contrarié, au bord des larmes. Elle s’est vite couchée, vite endormie, sans
prendre le temps de lire. Elle s’est levée tôt, comme les autres jours
de la semaine, ce qui est inhabituel, le mercredi. « Allez Léa, il faut
que j’aille à cette réunion, c’est obligé, mais je reviens vite,
après ! »
Le temps est au beau
cet après-midi, je suis dehors à réchauffer mes vieux os tandis qu’elle est à
son ordi, à pianoter je ne sais quoi. Ce
matin, comme elle était pressée, et pas dans son assiette, je l’ai bien
remarqué, elle a oublié de faire couler mon eau, au robinet de la cuisine.
C’est un caprice que j’ai pris, avec l’âge ; j’aime boire le filet rafraîchissant de cette boisson vitale, juste après mon repas. Je remercie chaque jour ma
maîtresse d’être attentive à mes envies de vieux chat, de tant me faire plaisir !
Bientôt, il y aura
les grandes vacances. J’espère qu’elle ne va pas vadrouiller par monts et par
vaux, je voudrais profiter un peu plus de sa présence, qu’elle profite de la
mienne… Je ne suis pas éternelle.
21 juin 2015
Kiwi
Ma maîtresse, partie
samedi aux aurores, aux alentours de sept heures et quart, n’est revenue chez nous qu’à deux
heures du matin ! Encore plus gaie et plus pompette, son haleine parfumée
au vin, toute excitée par un nouveau « super concert » ! Charles
de Goal, cette fois-ci. Ce que j’en entends parler, de Charles de Goal, depuis mes plus tendres années ! Apparemment, son histoire avec ce groupe parisien, qui chante en
français, tout à la fois « électro, punk et coldwave » comme elle dit,
dure depuis les 80’s ! C’est qu’elle n’est pas toute jeune, ma maîtresse !
Aujourd’hui, c’est
l’anniversaire de l’ancêtre. Increvable ! Quelle longévité ! Bravo,
la momie ! C’est aussi le premier jour de l’été, la fête de la musique, la
fête des pères… Il y a de multiples occasions de faire la fête, avec l’espérance
de voir mon ordinaire amélioré. J’ai faim !
21 juin 2015
Tempo
J’ai retrouvé ma
place sur le coussin du fauteuil rouge, tout près de ma maîtresse, à son bureau
bien sûr, devant son écran. Il fait frais dehors, j’ai plus chaud à l’intérieur
pour faire ma sieste. Il n’y a pas un bruit ici, à part celui des mouches qui
volent, le tapotement des touches sur le clavier et, venant de l’extérieur, le
chant des oiseaux, le rare passage d’une voiture.
La vieille est
toujours vivante, elle a même retrouvé sa bonne humeur, depuis qu’elle a un
nouveau traitement. On n’est pas prêt de l’enterrer, celle-là, malheureusement !
À bas l’acharnement thérapeutique, vive l’euthanasie ! Ce que je peux être
méchant, tout de même… Non, sans blague ! Respect, la vieille ! Incroyable !
21 juin 2015
Léa
D’après ce que j’ai
pu voir vendredi soir, lorsque ma maîtresse a rangé les courses, c’est qu’en
plus des boîtes et des sachets de nourriture pour chats, il y avait trois
petites portions de Sheba. J’ai toujours un fin museau, je sais qu’elle achète
ce genre de produit pour les grandes occasions, Noël ou le réveillon. Là, je
sais que c’est pour mon anniversaire !
Eh bien je les aurai
atteints et mérités, mes vingt ans ! J’ai toujours autant envie de vivre,
de profiter de chaque jour, dès le matin (même si dors beaucoup), lorsque ma maîtresse
se réveille et me dit : « Salut, vieux chat ! » Quand il
sera temps pour moi de partir, je le ferai dignement, paisiblement, contente et
satisfaite de ma riche existence…
À lire aussi, sur ce blog, dans la série « Bonheurs
félins » :
« Les petits
bonheurs » (juillet 2008)
« Les nouveaux
bonheurs » (octobre 2013)
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