Les
réseaux sociaux interplanétaires avaient, une nouvelle fois, parfaitement fonctionné.
Il y avait eu des milliards et des milliards de connexions sur cette planète et
sur toutes les autres, bien au-delà du système solaire. Tous ces êtres
connectés participeraient à l’événement ; oui, tous y seraient, tous
descendraient dans la rue, pour crier leur colère.
Depuis
le résultat des élections au Grand Conseil Interplanétaire (le taux de
participation avait été extrêmement faible : à peine dix pour cent) et
l’arrivée au pouvoir des nouveaux dirigeants, tout changea rapidement : des
mesures répressives furent prises de but en blanc, des lois draconiennes entrèrent
en vigueur du jour au lendemain…
La sécurité renforcée à outrance, les
arrestations et les exécutions sommaires multipliées, les emprisonnements arbitraires
dans des camps de travail monnaie courante… Les libertés disparaissaient au
profit de la terreur et de la désolation.
Devant
leur écran, tous ces êtres lunaires qui n’avaient pas voté s’en mordaient
maintenant les doigts. Personne ne croyait plus en rien, alors pourquoi donner
son avis ? Qu’est-ce que ça changerait, de toute façon ? Tous les
mêmes, ces politiques, tous des pourris !
C’était
trop tard, il aurait fallu réagir pendant qu’il en était encore temps, avant
que ce régime totalitaire aux pouvoirs titanesques ne prenne les rênes et ne
transforme la Terre et les autres planètes en ce chaos monstrueux.
Tous
les êtres connectés avaient répondu qu’ils participeraient, oui, ce serait le
plus grand rassemblement jamais connu en cette ère. Tout ce monde endormi se
réveillerait enfin, plus résolu que jamais ; tous ces êtres à la révolte
jusque-là contenue sortiraient de chez eux pour se joindre aux autres dans les
rues, pour manifester contre ce gouvernement militaire qu’ils n’avaient pas
choisi, dont ils ne voulaient plus !
Ils
rêveraient à présent d’une vie plus juste, réinventeraient la démocratie à leur
façon, créeraient des organisations proches de tous les citoyens… Partout on
ferait la fête, on boirait beaucoup, on ferait des festins, on s’essaierait à
des substances diverses, on se rencontrerait, on échangerait, on débattrait, on
s’aimerait. On installerait des tentes, des matelas, des réchauds ; on
vivrait dehors, libre de toute contrainte, sept jours durant…
La
contestation festive, spontanée, populaire, aurait duré sept jours, sept jours
seulement. Puis des armes particulièrement meurtrières auraient mis fin à l’utopie,
seraient venues mettre de grands coups de pieds dans les fourmilières, auraient
anéanti les espoirs d’une humanité finalement peu combative, déjà moribonde…
Les
pertes furent innombrables, les massacres insoutenables, les violences abominables.
Les survivants, blessés, mutilés, choqués, inconsolables, s’en retournèrent chez
eux sans broncher, persuadés d’avoir été touchés par la grâce. Ils fileraient
droit maintenant, suivraient comme des moutons, ils prieraient Dieu, ne
s’opposeraient plus à rien, tout irait bien dans le meilleur des mondes.
Ils retrouveraient leurs écrans, à présent truffés de messages de propagande, d’informations officielles, de photos et de vidéos des dernières pendaisons, écartèlements ou autres atrocités sans nom. « Voilà ce qui t’attend si tu désobéis. » Les réseaux sociaux ayant tous été démantelés, il faudrait en créer d’autres, cryptés, discrets, indécelables. Ce serait bientôt l’heure de la désobéissance, de la dissidence, de la clandestinité.
Ils retrouveraient leurs écrans, à présent truffés de messages de propagande, d’informations officielles, de photos et de vidéos des dernières pendaisons, écartèlements ou autres atrocités sans nom. « Voilà ce qui t’attend si tu désobéis. » Les réseaux sociaux ayant tous été démantelés, il faudrait en créer d’autres, cryptés, discrets, indécelables. Ce serait bientôt l’heure de la désobéissance, de la dissidence, de la clandestinité.
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