Lundi
3 juin 2013
Nous
allons en sortie à Giverny le vendredi 7 juin et seulement un tiers des élèves
a apporté les 5 € de participation. « C’est obligé ? »
« Bien sûr que c’est obligé » leur rappellera la directrice, avant la
remontée en classe après la récréation du matin. « Vous payez d’abord pour
la sortie, on verra ensuite pour la kermesse » rajoute-t-elle d’un ton
convaincant et décidé.
Simbara
m’informe qu’il ne reviendra pas à l’école après le 24 juin, Maïssa part en
vacances aux alentours du 21, Sibel et Sila également… Je leur rappelle que
l’école se termine le vendredi 5 juillet, qu’il faudra un mot des parents s’ils
s’en vont avant, que pour le moment, on travaille, il y aura des évaluations
pour le livret scolaire, et encore plein de choses à faire avant les vacances.
Nous
continuons le travail de vocabulaire sur les mots génériques et les mots
particuliers, nous lisons à haute voix le début du conte « Ali Baba et les
quarante voleurs ». Le calcul mental porte cette semaine sur les divisions
de nombres entiers par 10, par 100, par 1000…
Je
poursuis l’apprentissage de la technique de la division (un seul chiffre au
diviseur). Les élèves qui ont compris viennent au tableau effectuer la division
et écrire « la phrase mathématique » qui accompagne le résultat :
dividende = (diviseur x quotient) + reste. Le tout est fait ou recopié sur le
cahier de maths (rouge).
L’après-midi,
après une courte lecture offerte (« Plongée en lecture » de Philippe
Barbeau dans le recueil « Contes du stylo magique »), je fais réciter
les élèves (« La lune et le soleil » de Jean-Luc Moreau) pour la
« note » du livret, puis je leur propose une nouvelle poésie :
« Le cheval chante » d’Alain Bosquet. Je lis le texte une fois puis propose
aux volontaires de la lire (je ferme les deux battants du tableau et le texte
apparaît, écrit par mes soins à la craie). Ça les amuse, ça leur plaît, je leur
demande de copier la poésie et, pour les plus rapides, de commencer à
l’illustrer.
Nous
débutons les évaluations départementales de sciences. La fiche 1 porte sur les
circuits électriques, la fiche 2 sur l’étude d’un objet technique, en
l’occurrence un tire-bouchon avec bras et crémaillère, plus communément nommé
« Général de Gaulle ». Je fais une démonstration avec une
« vraie » bouteille de vin (vide et lavée, tout de même) et un
« vrai » bouchon. Évidemment, c’est moi qui ai apporté le
tire-bouchon…
L’expression
écrite porte sur l’invention d’une poésie « à la façon d’Alain
Bosquet ». L’activité est difficile à démarrer, certains élèves ne font
que recopier les idées lancées au tableau, je les engage à aller vers quelque
chose de plus personnel…
La
journée a été particulièrement électrique ; il y a eu des violences
verbales et physiques, dans les escaliers, dans les couloirs, jusque dans la
classe. Ça éclate ici ou là, j’interviens mais je reste sidérée par ces accès
de grossièreté, par ces coups portés entre enfants devant l’adulte qui
représente pourtant l’autorité. Il n’y a pas que dans ma classe que ça se passe
ainsi. Il y a des moments où l’enseignant ne peut tout maîtriser. C’est
dramatique, mais comment faire autrement ?
Mardi
4 juin 2013
Nous
montons en classe pour faire l’appel et la cantine, je demande aux élèves de
préparer leurs affaires sur la table pour corriger les devoirs à notre retour
de la bibliothèque. Nous avons rendez-vous à 9 heures pour la séance de
sensibilisation à l’opéra ; cela fait plusieurs semaines déjà que je fais
écouter de grands airs d’opéra à la classe (voix féminines, voix masculines,
chœurs et orchestre) en vue de cette petite sortie culturelle.
Ce
n’est pas loin, mais il y a une rue passagère à traverser (de nombreux bus y
circulent), je suis seule avec mes vingt et un élèves alors je redouble de
recommandations avant le départ, et de prudence au moment de traverser.
Ensuite, nous prenons un chemin dans le bois, ils hurlent à la vue des limaces
qui rampent sur le sol ; je demande un retour au calme en arrivant aux
portes de la bibliothèque.
Les
deux intervenantes nous expliquent ce qu’est l’opéra, nous racontent la trame
de six opéras célèbres (Carmen, La flûte enchantée, L’or du Rhin, Le Barbier de
Séville, Turandot, Rigoletto) puis proposent des extraits vidéo. Nous devons
deviner à quel opéra chaque extrait correspond. Les enfants sont attentifs et
intéressés, dans l’ensemble perspicaces et efficaces pour trouver les bonnes
réponses.
À
10 heures, nous repartons vers l’école après que j’ai fixé un autre rendez-vous
pour la visite de l’exposition, qui sera accompagnée d’un quizz. Nous
reviendrons le vendredi 14 juin, aux mêmes horaires.
Après
la récréation, retour en classe pour corriger les devoirs : deux divisions
(678 : 5 et 1497 : 9) ainsi qu’un petit exercice d’orthographe (accents
et cédille). Les élèves copient la leçon sur les accents et la cédille, puis
font deux exercices d’application du livre sur le cahier bleu. Je leur
recommande d’utiliser le dictionnaire, s’ils ne connaissent pas l’orthographe
de tel ou tel mot.
Lecture
offerte l’après-midi (« Drôles
d’animaux » de Philippe Barbeau), récitation de « La lune et le
soleil », illustration du « Cheval chante », passation de deux
nouvelles fiches d’évaluation sciences (les chaînes alimentaires, la
biodiversité), annulation de la leçon d’histoire sur la Renaissance, copie des
devoirs, migration en salle informatique pour le questionnaire sur Claude Monet
et Giverny (une moitié de classe) et la préparation de la dictée de mots
invariables de « d’abord » à « dès que » pour l’autre
moitié. J’ai tout le monde sous les yeux mais ça n’en empêche pas certains de
faire des bêtises, de se connecter sur « Movie Star Planet » au lieu
de chercher les réponses au questionnaire.
Jeudi
6 juin 2013
C’est
le jour des « Foulées », nous montons en classe déposer les cartables,
faire l’appel et la cantine. Tout le monde est en tenue de sport, je réexplique
le principe de cette rencontre sportive, les différentes courses, l’ordre de
passage des un(e)s et des autres…
Pour
une fois il fait beau, le soleil brille généreusement, nous marchons jusqu’au
stade où vont se dérouler les épreuves, il y a déjà du monde, j’aide les élèves
à fixer leur dossard avec des épingles à nourrice. Je ne sais pour quelles
raisons ils ne sont pas contents, ils passent leur temps à râler, à me
reprocher des choses dont je ne suis pas responsable, c’est désagréable et mal
venu de leur part. Je les appelle les un(e)s après les autres avant le départ de
chaque course, par groupe de deux, tantôt des filles, tantôt des garçons. Je
les encourage !
Au
moment de repartir, j’ai bien du mal à récupérer tout le monde, certains garçons
se montrent odieux, ils ne m’obéissent pas, ils se tiennent mal, ils s’insultent,
ils se battent. Je décide de priver de la sortie à Giverny : Mehdi
(incontrôlable), Mamadou (irrespectueux), Moussa (bagarreur). Quant à Mody, son
sort est déjà réglé : allergique au pollen, sa mère a déjà prévenu qu’il
ne viendrait pas.
Le
soir à 16 heures 30, il me faudra recevoir les parents des trois enfants privés
de sortie pour leur en expliquer les raisons. Je n’aurai pas d’argent à
rembourser, ils n’avaient pas encore payé…
L’après-midi,
après une petite lecture offerte (« Chahut monstre » de Philippe
Barbeau), nous enchaînerons sur les dictées (mots invariables puis texte court
non préparé), nous corrigerons les divisions des devoirs (7089 : 7 et
6436 : 8), nous nous attellerons à des problèmes puis à deux fiches de
l’évaluation sciences (l’eau, les déchets) avant de lire la suite d’« Ali
Baba et les quarante voleurs » puis de copier les devoirs pour lundi. Pour
demain, il faudra apporter son pique-nique, une bouteille d’eau, un chapeau,
s’habiller correctement (pas de short).
Vendredi
7 juin 2013
Tout
le monde est là à 8 heures 20, il fait soleil, on a de la chance !
J’emmène donc 17 élèves, pas un de plus pas un de moins ; il y a aussi la
classe de CE2/CM1 de ma collègue Hélène. La sortie est prévue de longue date,
elle a été programmée par Hélène et la personne que je remplace (absente depuis
la rentrée des vacances d’hiver, j’ai eu la classe de CM1 dès le 18 mars). C’est
un peu loin mais ça vaut le détour !
J’étais
allée à Giverny avec un couple d’amis à l’aube des années 2000, j’en garde d’excellents
souvenirs. À ce moment-là j’étais encore à l’argentique, j’avais pris de belles
photos, en évitant au maximum d’avoir des visiteurs dans mon angle de vue, pour
ne garder que les fleurs.
Après
les dernières recommandations de la directrice : « Je veux que vous
ayez une tenue irréprochable, vous avez de la chance d’aller là-bas, c’est un
endroit très connu, des gens du monde entier viennent pour le visiter. Je vous
souhaite une bonne journée ! », nous nous dirigeons vers le car. La
seule personne qui a bien voulu nous accompagner est la grand-mère de Sila, je
la remercie chaleureusement d’être là. Hélène a deux mamans
accompagnatrices : ça fait à peu près le compte, avec nous deux, en terme
de sécurité (sept enfants pour un adulte).
C’est
long de contourner Paris afin d’aller vers l’ouest, quand on habite la banlieue
est ! On a distribué des sacs à vomi pour les enfants malades en car,
certains l’ont déjà utilisé… La seule chose que je ne gère pas, c’est le
vomi ; d’ailleurs je me place toujours devant, juste derrière le
chauffeur ! Je profite de la route et je reste tranquille, j’ai tendance à
faire des nausées… Les enfants sont calmes, discutent joyeusement. Tout va
bien, je parle avec Hélène et la grand-mère de Sila, un peu aussi avec le chauffeur…
Nous
traversons la Seine à Argenteuil, je pense déjà aux impressionnistes, nous
filons sur Mantes-la-Jolie. Le paysage prend des allures de campagne, nous
quittons la nationale pour de plus petites routes, il y a des bois, des champs,
des prés, des animaux que les enfants peinent à reconnaître, confondant des vaches
avec des moutons, s’extasiant devant les « chevals ». Le voyage
touche à sa fin, il est déjà 11 heures moins le quart, nous avions rendez-vous
à 10 heures 30, j’ai prévenu le service « groupes » que nous aurions
du retard.
Nous
marchons jusqu’à l’entrée du jardin, le temps de régler les billets et nous
voilà à l’intérieur. La grand-mère de Sila prend la responsabilité de huit
élèves, moi j’en prends neuf. Nous pourrons ainsi nous séparer ; il est
plus facile de s’occuper d’un petit groupe. Effectivement il y a du monde,
beaucoup de Japonais. Souhaïb se lance dans les échanges internationaux en les
saluant : « konnichiwa » et les touristes lui répondent en souriant.
Cela plaît aussi à Simbara, à Osman, à Safeer, à Mohammed-Amine, à Yunus-Emre.
Comme filles, j’ai avec moi Koumba, Rebecca, Schaïneze.
Nous
visitons les jardins, j’exprime mon enthousiaste, nous montons vers la maison.
Il n’y a pas de queue à l’entrée : nous y allons. Impossible de garder les
enfants groupés autour de moi, il y en a déjà qui sont partis devant, qui
visitent « au pas de course ». Je ne peux rien faire mais je ne
m’inquiète pas, je les retrouverai tout à l’heure, dehors. Simbara, Koumba et
Rebecca restent avec moi.
L’atelier
du peintre est pour le moment totalement inaccessible, alors nous grimpons à
l’étage tout en admirant les estampes japonaises, il y en a partout dans la
maison. Nous visitons les chambres, regardons les vieilles photos, de Monet, de
sa famille, de mariages… Nous redescendons vers la cuisine qui les étonne,
tellement elle est grande. Avant de sortir nous repassons par l’atelier, avec
cette grande baie vitrée, tous ces tableaux de maîtres accrochés aux murs…
Effectivement
les élèves qui m’avaient faussé compagnie m’attendent sagement sur les bancs,
il y a aussi le groupe de la grand-mère de Sila, toute ma classe est là ! Ça
commence à se plaindre, qui de soif, qui de faim, qui de fatigue, qui de
l’envie d’aller aux toilettes. Nous emmenons tout ce petit monde vers les
sanitaires, cela nous refait faire une petite balade dans les jardins. Je ne
veux pas finir la visite sans être allée à l’étang des nymphéas. Tous ne sont
pas volontaires, alors je propose d’emmener seulement ceux qui sont intéressés,
soit une grosse moitié de classe, tandis que la grand-mère de Sila restera à
l’ombre, avec l’autre moitié.
Souhaïb,
Simbara, Osmane, Safeer, Yunus-Emre et Mohammed-Amine sont partants, Koumba aussi.
Beyza, Assa et Naïma se rajoutent au groupe. Il fait frais sous les arbres, en
arrivant il y avait tous ces bambous, il y a aussi cette petite rivière, et
tous ces ponts en bois… Nous arrivons aux bords de l’étang, je leur montre les
nymphéas, je leur dis que Claude Monet venait souvent là pour peindre, à
n’importe quel heure du jour (ou de la nuit) et en toute saison, qu’il a fait
des centaines de tableaux… Les enfants voient des grenouilles sur l’étang, ça
les fait rire.
Voici
le célèbre « pont japonais », c’est magnifique, nous restons dessus,
je prends quelques photos. Puis c’est le moment de retrouver les autres, de
quitter le jardin pour retourner au car, et pique-niquer. Il est déjà midi et
demie passé : tout le monde a chaud, a soif, a faim, ça râle, mais nous
trouverons un superbe endroit ombragé pour manger. Les enfants se mettent en
rond et s’assoient, en petits groupes ; je m’adosse à un arbre et attaque
mon sandwich.
La
grand-mère de Sila vient me parler, elle me raconte une sortie qu’elle a faite
quand elle avait douze ans, elle se souvient de la joie d’être avec ses
copines, de leurs rires, elle s’était bien amusée… Elle me dit, très
émue : « Tout me revient, c’est incroyable ; j’espère que Sila
n’oubliera jamais cette sortie d’aujourd’hui, ce sont des moments dont on se
souvient toute sa vie. »
Il
faut encore s’occuper des pipis et autres, malheureusement les toilettes
publiques du village sont en travaux ; à l’office du tourisme on nous
suggère d’emprunter celles du musée des impressionnistes, un peu plus loin dans
la rue. Je pars en éclaireur, oui c’est possible mais il faudra rester discret,
on ne peut pas envoyer les deux classes d’un coup, il va falloir encore
procéder par petits groupes.
Je
dis à Hélène que l’idée du musée l’après-midi, ça aurait été pas mal, que si
j’organise moi-même une sortie, je réserverai aussi pour le musée, ça sera plus
complet, ça donnera « une meilleure idée » aux enfants. Parmi les
classes croisées ce matin, certaines viennent justement pour visiter.
15
heures : c’est l’heure de rentrer, tout le monde est satisfait mais
fatigué. Les enfants se sont bien tenus dans l’ensemble, ils ont obéi, ils
n’ont pas dit de gros mots, ils ne se sont pas battus, ils ne se sont pas
sauvés… Pour moi, le retour passe plus vite que l’aller : je m’endors.
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