12 janvier 2016
Par quoi
commencer ? Écrire un roman d’amour, est-ce raconter une histoire
d’amour ? L’idée serait de faire évoluer les personnages dans des lieux où
je suis allée lors de mes voyages. Un roman photo, un roman fleuve, un roman
autobiographique, un roman de gare, un roman d’amour.
Il aurait pour cadre
les trains, les gares, l’arrivée, le départ, le cheminement dans la ville, la
visite des quartiers historiques, des lieux typiques, des musées, des monuments
religieux. Je décrirais l’hôtel, aussi, sa situation dans la ville, la chambre,
son décor, sa vue, son lit.
13 janvier 2016
Envisager un échange
de lettres, entre deux personnes. Un homme et une femme, vivant loin l’un de
l’autre, de par leurs conditions respectives (ils sont peut-être mariés, chacun
de leur côté), qui se retrouvent dans de belles villes, le temps d’une escapade
chèrement acquise, une pause amoureuse, sentimentale et touristique.
Ils prendraient des
photos, chacun avec son appareil (ou son smartphone, puisque c’est dans l’air
du temps). Ils se les échangeraient, plus tard, en les commentant, en évoquant
les souvenirs de leurs moments à deux, dans les rues d’Amsterdam, de Bruges ou
de Bruxelles, de Londres, Barcelone, Berlin, Bucarest, Vérone, Venise ou bien Paris. Pourquoi
pas Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux, Dijon, Troyes, Reims, Colmar, Clermont-Ferrand,
Chalon-sur-Saône, Annecy, Poitiers, Angers, Nantes, Rennes, Vannes, Brest, Saint-Malo,
Le Havre… ?
J’aurais toutes mes
photos, pour m’inspirer. J’en ai tellement pris, durant toutes ces années !
Je persiste à en prendre, encore et toujours. Pour qui, pourquoi ? Pour me
les repasser en diaporama, par exemple, quand je rentre chez moi. Pour en
sélectionner, puis pour les partager, en les publiant sur mon blog. J’imprime
sur ma rétine toutes ces belles images, je suis encore un peu là-bas, j’en fais
profiter les autres…
Alors quoi ? On
suivrait le couple tout au long de son existence, ici, là-bas, dans de grandes
villes européennes, dans des pays plus lointains. Au début, la correspondance
serait sous forme de courrier postal, de photos glissées avec des annotations,
puis elle évoluerait, au fil du temps et des moyens technologiques. Les
amoureux séparés se parleraient de temps en temps au téléphone, ils s’enverraient
des fax, puis des mails…
Ils se rencontreraient,
durant des décennies, quatre fois par an, à chaque saison si possible, dans un
endroit choisi par l’un ou par l’autre, selon leurs envies, leurs
disponibilités. Les années passeraient, sans jamais se ressembler. Un printemps
à Marseille, un été à Venise, un automne à Berlin, un hiver à Bruges…
La mort de leurs
conjoints, à quelques mois d’intervalle, les réunirait pour le restant de leur
vie. Ils se donneraient exclusivement l’un à l’autre, savourant totalement leur
union, se donnant du bon temps, à plein temps. Toujours ensemble, jamais plus séparés.
Ils en avaient eu,
de sacrés moments de bonheur, tous les deux, au cours des dix dernières années !
Voyageant moins, moins loin, moins longtemps, privilégiant la vie commune dans
la villa en bord de mer qu’ils avaient achetée. Chaque nouveau jour passait tel
un enchantement. Ils avaient atteint un bel âge, en plutôt bonne santé ! Ils
étaient comblés.
Pour leur dernier
voyage, ils avaient choisi d’aller à Amsterdam. Ils n’étaient pas éternels, l’un
ou l’autre pouvait décliner du jour au lendemain, ou même s’éteindre
brutalement… Le temps était compté. Ils partiraient ensemble, en bonne forme,
mentale et physique. Ils ne pourraient supporter de voir l’autre faiblir, ils s’aimaient
trop pour ça.
Ils ne seraient séparés
ni par la maladie, ni par la mort de l’un ou de l’autre, ils n’envisageaient
pas l’hôpital, encore moins la maison de retraite. Ils étaient restés beaux,
chacun à leur façon. Ils étaient beaux l’un pour l’autre, l’un dans les yeux de
l’autre. Ils prenaient soin d’eux, ils continuaient à se plaire, comme à leurs
vingt ans. Ils étaient amoureux, se connaissant si bien, faisant encore
l’amour.
Les voilà, tous les
deux, bien mis, élégants, quittant leur hôtel de la Raadhuisstraat en se tenant
par le bras, suivant à petits pas le trottoir jusqu’à l’angle avec Herengracht.
Ils entrent dans le petit café, descendent les quelques marches, s’avancent
vers le comptoir pour consulter le menu.
Ils veulent se faire
à nouveau ce plaisir : fumer, ici, ensemble. Rêver, philosopher, se
souvenir, se séduire, s’étonner encore, aller au plus profond de l’âme de
l’autre, communier, ne faire qu’un.
17 janvier 2016
Non, ils n’iront pas
gambader à travers les rues pavées en longeant les canaux après avoir fumé
chacun leur joint d’herbe, ce n’est plus de leur âge. Ils resteront là, dans
cette petite salle en sous-sol confortablement aménagée, agréablement éclairée,
à l’ambiance cosmopolite, au va et vient incessant. Il se lèvera et en rachètera
deux autres, elle commandera deux thés au lait.
L’on achète au
comptoir, l’on repart ou l’on s’installe, seul, en couple, entre amis, l’on goûte
le produit, l’on tousse bruyamment si c’est de l’herbe, l’on a les yeux qui
s’éclairent, qui se dilatent, ou qui se vitrifient, selon… La musique est douce
et paisible, légèrement rythmée, parfaitement adaptée. Sur le grand écran muet,
s’époumonent les personnages du Muppet Show, sous-titrés en néerlandais.
Ils en ont tant et
tant, roulé de joints ensemble, elle pour lui, lui pour elle, ils pourraient
encore le faire les yeux fermés ! Maintenant ils ont de l’arthrite, à
quoi bon malmener leurs doigts ? Ils sont riches, ils ont bien plus
d’argent sur leur compte qu’ils ne pourront jamais en dépenser. Alors, vive le
luxe du joint tout fait !
Ils sont tous les
deux assis sur la même banquette, faisant face à la salle et au bar, l’un tout
près de l’autre, tirant lentement sur leur joint, s’échangeant des paroles
qu’eux seuls entendent. Quand l’endroit se remplit, que les gens veulent
s’asseoir, ils acceptent volontiers des voisins de table, en vis-à-vis. Ils
engagent la conversation, en anglais, avec ces personnes de passage venues du
monde entier, s’adonnant, sans complexes, à des plaisirs récréatifs parfaitement
licites.
Le vieux couple
quittera le café à la nuit tombée, saluant amicalement le personnel, le
remerciant vivement pour son accueil. Il ajustera sa casquette, elle nouera son
foulard, il montera en premier les quelques marches vers la sortie et retiendra
la porte pour elle. Dehors, tout se sera allumé : les enseignes, les
vitrines, les lampadaires, les décorations de Noël, les fenêtres des maisons,
les phares des vélos, des trams, des bateaux.
Il y a des voitures qui
circulent et quelques scooters, beaucoup de piétons, c’est une grande artère,
très passagère. Ils profiteront du spectacle des lumières et des bruits de la
ville, en faisant à leur rythme le chemin en sens inverse, jusqu’à leur hôtel,
où ils dîneront aux chandelles.
Que feront-ils
demain ? Demain sera un autre jour ! Ils doivent réserver une
croisière nocturne pour découvrir les œuvres lumineuses du Light Festival, ils
veulent revisiter le musée Van Gogh, revoir la maison de Rembrandt, retourner
fumer dans ce même café, qu’ils ont trouvé si sympathique…
D’abord un bon repas
réparateur, en tête à tête, dans un cadre raffiné, une toilette complète et
minutieuse une fois dans leur suite, la lecture dans leur grand lit, l’un blotti
contre l’autre, chaleur intime, désir des corps.
23 janvier 2016
Ils lâcheront lui
son livre, elle sa tablette, ils s’enlaceront, s’embrasseront, s’étreindront
avec force, feront l’amour longuement, s’endormiront soudés l’un à l’autre,
pleinement satisfaits de cette journée d’hiver. L’une de leurs dernières, en
couple, sur cette Terre. Avant de concrétiser leur décision commune, mûrement
réfléchie. La semaine prochaine, ils mourront ensemble.
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