dimanche 26 avril 2015

Manuel Bienvenu : Amanuma

Voilà ce que j’avais écrit pour Longueurs d’Ondes, en 2010, au sujet de l’album solo de Manuel Bienvenu :

BRUITAGE
MANUEL BIENVENU
"Bring me the head of Manuel Bienvenu"
(Double Bind / Rue Stendhal)
Ce musicien français dont on veut la tête a travaillé, entre autres, avec Bed sur l'album "New Lines" (2004). Manuel Bienvenu, qui a résidé un temps au Japon, est aussi l'auteur de deux projets solo : "Elephant Home" (2005) et le fameux "Bring me the head…" lequel, après un pressage japonais en 2007, bénéficie aujourd'hui d'une sortie hexagonale officielle et largement méritée ! Accompagné du batteur Jean-Michel Pirès (NLF3, Married Monk, Tiersen, Bed…) le multi instrumentiste, d'abord guitariste, a étoffé ses compositions d'overdubs (enregistrements additionnels) de tout acabit : voix, piano, clavecin, orgue, Casio, trompette, bouzouki, kora… Ces sons contribuent à créer des ambiances oniriques, intimistes et teintent le disque d'humeurs joyeuses, enjouées. Loin des querelles de genres, l'écoute donne un plaisir simple, renouvelé. La présente édition offre "Newsprint" en bonus, qui ravira néophytes et initiés.

Et voici qu’aujourd’hui, en faisant du rangement sur mes étagères, je découvre une enveloppe à bulles, avec à l’intérieur un CD, une bio et un petit mot Jean-Philippe Béraud, de Martingale, m’engageant à écouter "Amanuma" le nouveau disque de Manuel Bienvenu, et si possible, à le chroniquer. Oui, je me souviens, j’avais beaucoup aimé "Bring me the head of Manuel Bienvenu", il faudrait peut-être que je le réécoute d’abord, mais je ne sais plus si je l’ai en CD ou en numérique ? Finalement, je préfère passer directement à celui-là. Pour l’effet de surprise qu’il va certainement provoquer, pour le plaisir de la découverte… D’autant plus que je me suis aperçue que le courrier datait du 13 février 2015 : je l’avais mis en attente et je l’ai oublié (juste à ce moment-là, je préparais puis prenais mes vacances dans le Jura).

MANUEL BIENVENU
"Amanuma"
Sphere / Label musical Lgsr
Sortie le 16 février 2015
C’est avec deux mois de retard que j’écoute ce troisième album solo, tout en écrivant ce qu’il m’inspire. "Landscape" est jazz, rock planant, avec des chœurs féminins veloutés, un piano qui s’en va puis revient, des violons plus loin, un solo de guitare… Un titre idéal pour une programmation en club : l’on peut gentiment danser dessus, en début ou en fin de soirée, tout en savourant la richesse de l’orchestration. "Churrigueresque" est difficile à écrire, la clarinette basse s’y manifeste tout en rondeurs, accompagnant le chant dans ses lévitations, le laissant seul pour revenir ensuite. "Capital Crown" a une basse entêtante, des claviers très présents, une solide section cuivres. Les changements de rythme et d’ambiance s’enchaînent les uns après les autres, on se laisse porter. Ce sont quatre coups de baguette bien trempés qui donnent le rythme aux guitares mordantes de "Call the devil" et, à la toute fin du morceau, ce frottement caractéristique des cordes d’une guitare signifiant l’arrêt de jeu complet des musiciens. Certainement un enregistrement live ? En tout cas c’est pop, rock, exigeant, sophistiqué. "North marine drive" est très pop aussi, avec des pincées d’Afrique, un plus classique couplet/refrain, des voix se relayant en de belles et étonnantes harmonies. "Polarised" fait résonner le vibraphone sur un slow digne de passer en discothèque (s’il y a encore des slows en discothèque ?). Il y a ces voix, toujours, extrêmement délicates, à la façon des slows des années 70 ; à la Bowie, aussi. Et oui, à cette époque, les bons slows ça y allait, c’était du bonheur. "Years to run" est tout aussi charmant, son rythme plus enlevé, avec l’entrée en jeu d’un métallophone, le leitmotiv des violons… Retour sur les pistes de danse avec "Bubl" (mais cette fois-ci pas pour remballer, mais remuer le popotin) aux fragrances de funk et d’afrobeat, aux cuivres éclatant de joie. "Dark gardens", onirique et psychédélique à souhait, s’installe pour six minutes, amorce le décollage. "Summers in submarines" continue sur la lancée et nous laisse planer, là-haut, au-dessus des nuages (peut-être même y rester perché). Heureusement, "Shoegrease" est là pour nous faire revenir sur Terre, avec son jeu lent et pesant, sa guitare basse, à la New Order. "Café Gitane" (8 min 43, le plus long de l’album) est en français et raconte, sur une ligne d’afrofunk, une histoire sidérante, haletante, dans les rues new-yorkaises… Sur "Seventeen" la guitare se débride, grimpe dans les aigus, chevauchant inlassablement les mises en boucle du clavier et de la basse. La trompette s’impose plus loin, rejoint les autres instruments dans leur jeu tout à la fois répétitif et progressif. Les treize titres d’"Amanuma" créent tout un ensemble, il faut donc l’écouter entièrement, d’un bout à l’autre, sans zapper ni mettre sur pause, sans faire autre chose, pour que l’expérience musicale soit totale. Cela faisait longtemps que je n’avais pas écouté un disque de ce calibre ! Pour mieux interpréter, peut-être, sa musique à travers cette chronique, l’on apprendra que les influences (entre autres) du musicien sont : Robert Wyatt, The Nits, Brian Eno, Mark Hollis, Jim O’Rourke. La pochette vaut le coup d’œil, avec son cabinet des curiosités qui pourrait tout aussi bien appartenir à un peintre, s’il n’y avait ces nombreux instruments, tambour africain et autres percussions, deux métallophones. Et aussi  un poisson en l’air, des oiseaux empaillés, un crâne de vache, des fleurs de coton, un arrosoir en zinc… De quoi faire un inventaire à la Prévert !

Manuel Bienvenu est en concert le 29 avril 2015 à l’Espace B, rue Barbanègre, Paris 19e.

Son actualité est désormais accessible via son site internet :
Ou son Facebook :
Il est sur Musicme :
D’autres infos ici :


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire