Voilà ce que j’avais écrit pour Longueurs d’Ondes, en 2010,
au sujet de l’album solo de Manuel Bienvenu :
BRUITAGE
MANUEL BIENVENU
"Bring me the head of Manuel Bienvenu"
(Double Bind / Rue Stendhal)
Ce musicien français dont on veut la tête a travaillé, entre
autres, avec Bed sur l'album "New Lines" (2004). Manuel Bienvenu, qui
a résidé un temps au Japon, est aussi l'auteur de deux projets solo :
"Elephant Home" (2005) et le fameux "Bring me the head…"
lequel, après un pressage japonais en 2007, bénéficie aujourd'hui d'une sortie
hexagonale officielle et largement méritée ! Accompagné du batteur
Jean-Michel Pirès (NLF3, Married Monk, Tiersen, Bed…) le multi instrumentiste, d'abord
guitariste, a étoffé ses compositions d'overdubs (enregistrements additionnels)
de tout acabit : voix, piano, clavecin, orgue, Casio, trompette, bouzouki,
kora… Ces sons contribuent à créer des ambiances oniriques, intimistes et
teintent le disque d'humeurs joyeuses, enjouées. Loin des querelles de genres,
l'écoute donne un plaisir simple, renouvelé. La présente édition offre
"Newsprint" en bonus, qui ravira néophytes et initiés.
Et voici qu’aujourd’hui, en faisant du rangement sur mes
étagères, je découvre une enveloppe à bulles, avec à l’intérieur un CD, une bio
et un petit mot Jean-Philippe Béraud, de Martingale, m’engageant à écouter "Amanuma"
le nouveau disque de Manuel Bienvenu, et si possible, à le chroniquer. Oui, je
me souviens, j’avais beaucoup aimé "Bring me the head of Manuel
Bienvenu", il faudrait peut-être que je le réécoute d’abord, mais je ne
sais plus si je l’ai en CD ou en numérique ? Finalement, je préfère passer
directement à celui-là. Pour l’effet de surprise qu’il va certainement
provoquer, pour le plaisir de la découverte… D’autant plus que je me suis
aperçue que le courrier datait du 13 février 2015 : je l’avais mis en
attente et je l’ai oublié (juste à ce moment-là, je préparais puis prenais mes
vacances dans le Jura).
MANUEL BIENVENU
"Amanuma"
Sphere / Label musical Lgsr
Sortie le 16 février 2015
C’est avec deux mois de retard que j’écoute ce troisième album
solo, tout en écrivant ce qu’il m’inspire. "Landscape" est jazz, rock
planant, avec des chœurs féminins veloutés, un piano qui s’en va puis revient, des
violons plus loin, un solo de guitare… Un titre idéal pour une programmation en
club : l’on peut gentiment danser dessus, en début ou en fin de soirée, tout
en savourant la richesse de l’orchestration. "Churrigueresque" est
difficile à écrire, la clarinette basse s’y manifeste tout en rondeurs,
accompagnant le chant dans ses lévitations, le laissant seul pour revenir
ensuite. "Capital Crown" a une basse entêtante, des claviers très
présents, une solide section cuivres. Les changements de rythme et d’ambiance s’enchaînent
les uns après les autres, on se laisse porter. Ce sont quatre coups de baguette
bien trempés qui donnent le rythme aux guitares mordantes de "Call the
devil" et, à la toute fin du morceau, ce frottement caractéristique des
cordes d’une guitare signifiant l’arrêt de jeu complet des musiciens. Certainement
un enregistrement live ? En tout cas c’est pop, rock, exigeant,
sophistiqué. "North marine drive" est très pop aussi, avec des
pincées d’Afrique, un plus classique couplet/refrain, des voix se relayant en
de belles et étonnantes harmonies. "Polarised" fait résonner le
vibraphone sur un slow digne de passer en discothèque (s’il y a encore des
slows en discothèque ?). Il y a ces voix, toujours, extrêmement délicates,
à la façon des slows des années 70 ; à la Bowie, aussi. Et oui, à cette époque,
les bons slows ça y allait, c’était du bonheur. "Years to run" est
tout aussi charmant, son rythme plus enlevé, avec l’entrée en jeu d’un
métallophone, le leitmotiv des violons… Retour sur les pistes de danse avec "Bubl"
(mais cette fois-ci pas pour remballer, mais remuer le popotin) aux fragrances
de funk et d’afrobeat, aux cuivres éclatant de joie. "Dark gardens", onirique
et psychédélique à souhait, s’installe pour six minutes, amorce le décollage. "Summers
in submarines" continue sur la lancée et nous laisse planer, là-haut,
au-dessus des nuages (peut-être même y rester perché). Heureusement, "Shoegrease"
est là pour nous faire revenir sur Terre, avec son jeu lent et pesant, sa
guitare basse, à la New Order. "Café Gitane" (8 min 43, le plus long
de l’album) est en français et raconte, sur une ligne d’afrofunk, une histoire sidérante,
haletante, dans les rues new-yorkaises… Sur "Seventeen" la guitare se
débride, grimpe dans les aigus, chevauchant inlassablement les mises en boucle du
clavier et de la basse. La trompette s’impose plus loin, rejoint les autres
instruments dans leur jeu tout à la fois répétitif et progressif. Les treize
titres d’"Amanuma" créent tout un ensemble, il faut donc l’écouter
entièrement, d’un bout à l’autre, sans zapper ni mettre sur pause, sans faire
autre chose, pour que l’expérience musicale soit totale. Cela faisait longtemps
que je n’avais pas écouté un disque de ce calibre ! Pour mieux
interpréter, peut-être, sa musique à travers cette chronique, l’on apprendra
que les influences (entre autres) du musicien sont : Robert Wyatt, The
Nits, Brian Eno, Mark Hollis, Jim O’Rourke. La pochette vaut le coup d’œil, avec
son cabinet des curiosités qui pourrait tout aussi bien appartenir à un
peintre, s’il n’y avait ces nombreux instruments, tambour africain et autres percussions,
deux métallophones. Et aussi un poisson
en l’air, des oiseaux empaillés, un crâne de vache, des fleurs de coton, un arrosoir
en zinc… De quoi faire un inventaire à la Prévert !
Manuel Bienvenu est en concert le 29 avril 2015 à l’Espace
B, rue Barbanègre, Paris 19e.
Son actualité est désormais accessible via son site
internet :
Ou son Facebook :
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