Trilogie bretonne, texte 1
Vacances d'automne
Chapitre 1
Tu viendrais avec nous en
Bretagne, ce serait différent de tes autres vacances, de celles où tu étais
venue chez moi. Nous avions pris l'habitude de passer une petite semaine
ensemble, toutes les deux, avec les chats Léo et Théa, qui prenaient un malin
plaisir à s'installer, à tour de rôle, sur ta valise !
Pour qu'ils ne mettent pas leurs
poils partout, je la couvrais d'une vieille serviette sur laquelle ils
prenaient leurs aises. Tu les aimais, mes chats, nous parlions d'eux pendant
des heures, les observant, les admirant, nous amusant de toutes leurs facéties
!
J'organisais nos journées, nos
soirées, de façon à te faire plaisir, pour que tu ne t'ennuies pas, pour que tu
te sentes bien, vraiment en vacances. Nous passions à la médiathèque, en
revenions chargées de livres, de disques, de cassettes vidéo et de DVD.
Nous lisions ensemble, nous
regardions des films, bien au chaud, sous la couette… Nous allions à la
piscine, tu adorais nager, puis nous déjeunions, affamées, dans ton fast-food
préféré. Je t'emmenais à la patinoire, au cinéma, au jardin public, au zoo, au
parc d'attractions, tu voyais mes ami(e)s… Nous avions tant et tant de choses à
faire ! Nous dormions bien, après ça !
Quand l'heure était venue de te
ramener à tes parents, j'avais toujours un petit pincement au cœur, en pensant
à tout ce que nous n'avions pas fait, à tout ce que nous aurions pu faire,
encore. Ce serait pour la prochaine fois. Car tu reviendrais, n'est-ce pas ?
Chapitre 2
Cette fois-ci, tes vacances avec
moi se dérouleraient autrement. Nous viendrions te chercher chez toi, ta valise
serait prête, tu emporterais ta trottinette ; nous t'emmènerions vers l'Ouest,
dans un village entre Vannes et Lorient, dans le Morbihan, tout près de la mer.
Je me faisais une joie de t'emmener avec nous, pour une petite semaine, au pays
des galettes, des crêpes, des menhirs, des dolmens, des plages et des
coquillages…
C'était l'automne, la fin du mois
d'octobre, les vacances de la Toussaint ; on venait juste de passer de l'heure
d'été à l'heure d'hiver. C'était assez inhabituel de venir, en cette période,
en vacances à la mer. Le temps serait exceptionnellement doux pour la saison.
Nous aurions bien roulé, sur des
routes dégagées, dans l'après-midi et en soirée. Nous nous serions arrêtés pour
manger, à Vannes, et nous aurions trouvé, après avoir bien gambadé dans le
centre-ville désert, une crêperie ouverte. Tu aurais mangé ta première vraie
galette, une "jambon fromage", tu te régalerais.
Pour le dessert, la crêpe au
Nutella aurait eu plus de mal à passer, tu n'aurais fait que la goûter et pris
aussitôt un air dégoûté : le beurre salé ne conviendrait pas du tout à ton
palais ! Nous t'aurions dit en riant qu'en Bretagne, on cuisine tout avec du
beurre salé, même les crêpes au sucre, qu'il faudrait t'y faire ! Tu aurais
fait la moue, en sirotant ton Breizh Cola à la paille. Cette boisson locale, au
moins, tu l'aimerais et tu en redemanderais !
Retour à la voiture : allez
courage ! Nous arriverions aux alentours de minuit, nos amis nous attendraient
dans leur voiture, devant la maison. Ils venaient de beaucoup moins loin, trois
heures de route pour eux, à peine. Ils se faisaient une joie de partager avec
nous ces quelques jours de vacances, ils étaient impatients de te connaître.
Nous ferions les présentations, tu te montrerais sociable, aimable, avenante,
peu farouche, vite familière, très éveillée malgré l'heure tardive. Toi, tu
aurais dormi pendant le voyage !
Chapitre 3
Il ferait froid dans la maison,
froid et humide, plus froid que dehors. Nous aurions vite allumé les
radiateurs, mais nous aurions constaté avec déception qu'ils ne fonctionnaient
pas dans toutes les pièces, qu'il en était de même pour la lumière : telle ou
telle lampe ne s'allumait pas, ici ou là… Il devait y avoir des problèmes de
fusibles et d'ampoules grillées ; c'est souvent le cas dans des maisons comme
celles-là, qui ne sont habitées que de façon épisodique. Nous renoncerions à
comprendre le pourquoi du comment, nous verrions ça demain, quand il ferait
jour.
Nous t'aurions montré ta chambre,
au premier étage, au bout du couloir ; une chambre d'enfant, avec un petit lit,
que j'aurais préparé pour toi. Tu aurais choisi les couleurs de tes draps et de
la taie d'oreiller : bleu et blanc rayé. Tu aurais ouvert ta valise, te serais
mise en pyjama ; tu serais allée à la salle de bain pour te laver les dents et
déposer tes affaires de toilette.
Le radiateur marchait (nous
aurions pris soin de vérifier avant de t'y installer) dans ta chambre, il y
faisait déjà un peu plus chaud ; c'était "sa chambre à lui"
t'aurait-il dit, celle où il dormait quand il était enfant et qu'il venait ici
en vacances. Je te borderais, je t'embrasserais, je te souhaiterais une bonne
nuit. Tu te sentirais bien dans ton nouveau lit, installée confortablement. Tu
me sourirais, "Grand Lion" dans tes bras, tu fermerais les yeux, tu
te tournerais sur le côté, tu t'endormirais vite.
Dans notre chambre à nous,
également au premier étage, à l'entrée du couloir, au pied de l'escalier, il
ferait désespérément froid. Le radiateur ne produisait aucune chaleur, malgré
mes nombreux essais de réglage : molette tournée dans tous les sens, appuis
répétés sur l'interrupteur… Rien n'y ferait.
J'aurais du mal à me déshabiller,
je frissonnerais sous les draps glacés malgré le pull et les chaussettes, ne
parvenant ni à me réchauffer ni à m'endormir. Je serais pourtant très fatiguée.
Lui resterait en bas, dans le salon, à discuter avec nos amis. Quand il viendrait
me rejoindre, je me collerais fort contre lui, mon corps puisant dans la
chaleur du sien ; je trouverais enfin le réconfort nécessaire pour
m'abandonner, épuisée, au sommeil.
Chapitre 4
J'avais prévu tant et tant de
choses à faire, pendant nos vacances ! Trop ! Beaucoup trop ! Elles seraient
bien trop courtes, ces vacances ! J'avais pris les adresses et les téléphones
des cinémas, des piscines, des aquariums des environs, pour que nous ayons de
quoi faire si jamais il pleuvait à longueur de journée. En Bretagne, à
l'automne, on pouvait s'y attendre !
Nous t'avions dit que là-bas, il
n'y aurait ni télé, ni magnétoscope, ni lecteur DVD, ni ordinateur portable…
Nous avions convenu de ce principe avec nos amis. Eux aussi venaient ici pour
se reposer, pour rompre avec le quotidien, son rythme imposé, ses contraintes…
Nous ne partions que quelques jours, nous voulions vivre simplement, dans un
esprit de partage, d'échanges, de convivialité…
Nous saurions bien nous occuper
et t'occuper, même en cas de forte pluie ! Nous avions pris de quoi écouter de
la musique, mais nous n'allumerions pas la radio. Nous n'aurions pas besoin
d'infos.
Toi, tu avais emporté un sac
entier rempli de jeux de société : petits chevaux, damier, sept familles, Uno,
Jungle Speed… Tu aurais tout ce qu'il faut pour écrire, dessiner, lire ; tu
aurais installé dans ta chambre tes peluches, tes poupées, des figurines et
autres petits jouets.
Malgré tout, le fait de ne pas
voir d'écran animé pendant plusieurs jours te contrarierait ; tu nous le
reprocherais, sans en démordre, quand l'envie te prendrait de râler. Mais à la
longue, on en rirait !
La même phrase reviendrait, jour
après jour : "Oui mais ça serait mieux s'il y avait la télé !"
On en plaisanterait, on se moquerait gentiment de toi. Tu te laisserais prendre
au jeu, ça finirait par t'amuser, tu ne saurais plus trop si finalement, ça
n'était pas mieux sans cette fichue télé. Mais par principe, tu t'obstinerais à
ne pas être d'accord.
Chapitre 5
Nous séjournions dans sa maison à
lui, celle de sa famille, de son enfance, de ses vacances. Il y avait passé de
nombreux étés avec sa mère, son petit frère, ses grands parents ; son père les
rejoignait le week-end. Il y avait de l'animation : des gens passaient,
restaient, repartaient, d'autres arrivaient…
Il évoquait souvent, avec
émotion, les souvenirs qu'il avait de cette maison, quand il était petit garçon
; profondément ancrés en lui, ils continuaient à marquer sa vie, de façon
heureuse, ou plus douloureuse, selon les moments. Il me parlait de ses belles
journées sur la plage, pas loin, une immense étendue de mer et de sable, avec
de gros rochers, où il pêchait, se baignait, ramassait des coquillages.
Nous étions déjà venus plusieurs
fois ici profiter des bienfaits de la Bretagne, et cette plage, je la
connaissais ! J'avais hâte de t'y emmener. Moi aussi, j'avais des
souvenirs d'enfance et de vacances, dans une autre maison, en pleine campagne,
loin de la mer. Moi aussi, je lui racontais.
Là-bas, il n'y a jamais eu la
télé et nous n'y pensions même pas ! Au début, il n'y avait même ni eau ni
électricité. Nous nous chauffions et cuisinions au poêle à bois. Nous allions
en voiture jusqu'à la source la plus proche pour remplir d'énormes jerrycans,
nous faisions des veillées à la lueur des lampes à pétrole…
J'aurais voulu, je crois, que tes
vacances ressemblent un peu aux miennes, quand j'étais enfant, quand j'avais
ton âge. C'est moi qui ai eu l'idée de t'emmener avec nous ! J'en avais très
envie ! D'abord je lui en ai parlé, à lui : il n'a vu aucun
inconvénient à ce que tu fasses partie du voyage, il a même accueilli ma
proposition avec enthousiasme. Vous vous connaissiez déjà plutôt bien, tous les
deux ! J'ai soumis le projet à tes parents, ils me faisaient confiance, ils ont
accepté, toi tu étais partante…
J'aime t'avoir en vacances, c'est
tellement agréable de partager avec toi des moments de loisirs et de détente…
J'aime te parler, j'aime t'écouter, j'aime te transmettre. Nous faisons partie
de la même famille ! Tu es ma nièce, la fille de mon frère ; tu
portes presque le même prénom que moi, à une lettre près.
Et qui plus est, tu me ressembles
: même bouille, mêmes yeux, mêmes cheveux… Moi je n'ai pas eu d'enfant et je
n'en ai jamais souhaité vraiment ; j'aime m'occuper de toi, de temps en temps.
C'est suffisant. J'étais ravie de t'offrir ces vacances à la mer : elles
promettaient d'être différentes de toutes celles que nous avions passées
précédemment ensemble. Rien ne serait "comme d'habitude", ni pour toi
ni pour personne.
Chapitre 6
Il y aurait quand même des tracas
liés au quotidien, ceux qui ont le don de me stresser, de m'énerver, dont je me
serais bien passée. La maison n'était pas très accueillante, elle nous faisait
la vie dure ! Elle était restée longtemps inhabitée et nous venions lui
insuffler un peu de vie, mais nous aurions pu croire qu'elle nous considérait
comme des intrus, des étrangers qui perturbaient sa tranquillité.
Elle s'était endormie, nous
l'avions réveillée, nous la dérangions, elle se rebellait. Chauffage au
minimum, éclairage défectueux, eau chaude aléatoire, le grille-pain ou le
lave-vaisselle qui faisaient tout disjoncter…
À chaque jour sa galère, sa
mauvaise surprise ! Nous finirions par résoudre ces énigmes électriques à
l'aide d'un artisan aviné, pressé d'aller s'en rejeter un au bar La Galettière,
où nous l'avions débauché. Ce serait déjà presque le moment de repartir.
Toi, tu ne serais pas toujours
aimable, tu nous ferais des crises, tu provoquerais nos amis, tu ferais des
caprices avec la nourriture, tu serais insolente… Tu nous casserais les pieds
avec tes histoires de télé ; tu nous répéterais, à longueur de temps, que chez
Tata, avec les chats, c'était mieux qu'ici, qu'on n'allait même pas à la
piscine et au cinéma, qu'elles étaient nulles, ces vacances ! Nous te
laisserions causer, tu finirais par te calmer, tu sécherais tes larmes, tu
redeviendrais vite agréable et enjouée. Ça ne durerait pas longtemps, ça ne
serait jamais bien grave.
Je ne parvenais pas à
décompresser totalement comme je l'avais souhaité. Je n'arrivais pas à
m'enlever de la tête tous ces travaux d'écriture, passés ou à venir : ceux que
j'avais terminés et dont je n'étais pas totalement satisfaite, ceux qui
m'attendaient une fois rentrée et dont j'appréhendais la difficulté, la crainte
de ne pas être à la hauteur. Éternelle angoissée…
Je ne serais pas toujours gaie,
je serais même agressive, envers lui, envers nos amis. Excédée pour un rien.
Pas tranquille, contractée. Plutôt distante, lointaine… Dans la chambre, la
nuit dans notre lit, je ressasserais toujours les mêmes choses tristes.
Chapitre 7
Les semaines qui suivraient notre
retour, je ne cesserais de repenser à nos vacances. Je n'en aurais, finalement,
que de bons souvenirs ; les mauvais se seraient vite estompés, à côté de tous
ces beaux moments que nous aurions vécus.
Je visionnerais avec émoi, déjà
nostalgique, les photographies numériques que j'avais prises là-bas, attestant
de ce que nous avions fait, des endroits où nous étions allés… Plus tard, je
découvrirais sur tirage papier la série réalisée avec mon vieil appareil,
"l'argentique", comme on disait maintenant.
Il n'aurait pas plu, comme je le
redoutais. Il aurait fait gris, par moments ; il y aurait eu de la bruine, de
la brume, mais rien de bien méchant. Il aurait fait doux, nous aurions profité
du soleil, de la plage, de l'air marin ; nous serions restés tard, dehors, le
soir, bien après la tombée de la nuit ; nous serions allés au pub, au
restaurant, dans des crêperies, évidemment ! Le 2 novembre, il aurait même
fait suffisamment bon pour que nous déjeunions sur la terrasse.
Chapitre 8
Le lendemain de notre arrivée, je
me réveillerais tôt. Je préférerais me lever au lieu de me rendormir, pour
profiter au maximum de cette première journée en bord de mer. Je m'extrairais
du lit sans le réveiller, j'aurais froid, je m'habillerais rapidement. J'irais
jusqu'à ta chambre, tu dormirais à poings fermés, je descendrais au
rez-de-chaussée. Nos amis, qui s'étaient installés en bas, ne seraient pas levés
non plus.
Après avoir mis en route le café,
j'ouvrirais petits et grands volets du salon, je mettrais le nez dehors, le
soleil serait voilé, mais il ferait bon. Je prendrais mon petit-déjeuner sur la
grande table rectangulaire, côté salle à manger, dans un silence quasi total.
Aucune voiture ne passerait dans la rue, il n'y aurait que le chant des
oiseaux, le cri des mouettes…
J'aurais sorti des bols, des
tasses, des verres et des couverts pour vous quatre, qui déjeuneriez plus tard.
J'aurais laissé sur la table tous les ingrédients nécessaires : pain, beurre,
confiture, yaourts, gâteaux, sans oublier ton lait, ton chocolat en poudre, ton
jus d'orange, tes petits pains…
Je retournerais dans ta chambre
pour voir si tu étais réveillée, mais ça ne serait pas le cas ; j'irais alors
dans la mienne chercher mon appareil photo, j'enfilerais mon manteau, je
mettrais mes chaussures de marche et je partirais d'un bon pas vers la côte, à
un petit kilomètre, humant l'air marin, déjà grisée par le vent doux, salé,
tonique…
Je respirerais à pleins poumons,
marchant tout près des vagues, mettant les pieds dans un sable rendu compact
par le retrait de la marée. Je ramasserais de drôles de coquilles blanches,
ressemblant à des crânes, de toutes les tailles ; je les mettrais dans ma
poche, en prenant soin de ne pas les briser.
Je prendrais des photos du
paysage, magistral, époustouflant, sensationnel. Il y aurait plein de gens, sur
la plage, des enfants, et puis des chiens, des chevaux, des oiseaux… Je me
sentirais bien, heureuse, chanceuse d'être ici, en vacances. Je voudrais
oublier tous mes ennuis, m'en débarrasser, les laisser de côté, au moins le
temps où nous serions là.
Chapitre 9
Au bout d'une heure je
reviendrais vers la maison : j'aurais hâte de vous voir ! Vous seriez juste
réveillés, attablés, au début de votre petit-déjeuner. Vous seriez pressés
d'aller voir la mer ! Je m'occuperais de toi, je t'aiderais à choisir tes
vêtements, je t'accompagnerais à la salle de bain où tu prendrais une douche
bien chaude. Je t'aiderais à t'habiller, à te coiffer. Puis tu descendrais
jouer en bas avec ta trottinette, d'abord sur la terrasse, puis sur le
trottoir, devant la maison.
Je voudrais prendre une douche :
l'eau serait glacée. Je me laverais vite fait au lavabo, pestant contre le
ballon d'eau chaude qui ne fonctionnait vraiment pas au meilleur de ses
capacités ! Nous irions cette fois-ci tous ensemble faire une grande balade en
bord de mer, dans les dunes, sur les rochers, dans les flaques, dans l'eau des
vagues…
Tu serais ravie, joyeuse,
enthousiaste, courant de-ci de-là, chaussée de bottes en caoutchouc,
pataugeant, aspergeant, observant les poissons minuscules dans les trous d'eau
de mer, les crabes, les crevettes, les bernard-l'hermite et autres curiosités !
Il te montrerait et te nommerait toutes ces petites bêtes : tu serais
attentive, très intéressée, tu sourirais de toutes tes dents. Celles de devant
étaient en train de repousser. Nous rentrions tard, notre repas de midi serait
pris à l'heure du goûter. Tu serais affamée !
Nous étions en vacances, nous
prenions notre temps, tout serait décalé. La journée, nous laisserions les
fenêtres ouvertes, pour laisser entrer la tiédeur du dehors, pour évacuer cette
odeur de renfermé, cette sensation d'humidité qui persistait dans la maison. Je
trouvais dommage qu'elle ne soit habitée que par intermittence. Elle méritait
bien mieux ! Elle recommençait juste à vivre, à s'imprégner de bonnes odeurs, à
s'accommoder de notre présence, et déjà nous allions la quitter, l'abandonner,
la laisser seule.
Chapitre 10
C'était l'automne dernier, nous
étions cinq dans la maison : toi, lui, nos amis et moi. Ce serait la dernière
fois. Nous avions apporté des victuailles, pour ne pas avoir à faire des
courses tout de suite, en arrivant. Mais nous comptions bien profiter des
spécialités de la région ! Huîtres, poissons, andouille, saucisson, cidre,
crêpes et galettes… Nous nous ferions de bons petits gueuletons ! Toi, tu
aimerais, ou pas…
Nous n'aurions pas voulu que la
nourriture soit un problème pour toi, tu n'étais pas venue en vacances avec
nous pour que nous te fassions ton éducation culinaire, là n'était pas le
propos. Nous t'aurions donc acheté toutes les choses que tu aimais—jambon,
steak haché, emmental, crème au chocolat—, nous aurions apporté du ketchup,
nous t'aurions fait des pâtes, des haricots verts (que tu adorais !), de la
purée…
Un soir, tu avalerais une
assiette entière de soupe aux légumes préparée par notre amie. Elle se serait
montrée plutôt persuasive et tu n'aurais, pour une fois, pas bronché. Tu avais
toujours eu un petit appétit, de toute façon. Ça n'aurait servi à rien de te
forcer. Tu te rattrapais sur le dessert, le goûter, le chocolat, les friandises
qu'il te donnait.
Chapitre 11
Chaque jour, nous t'aurions
emmenée en excursion, à la découverte du pays breton. Nous serions allés sur
cette île minuscule au nom typique et amusant de Saint-Cado, à laquelle on
accède à pied par un vieux pont en pierre. Nous nous serions pris en photo
devant des taxis anglais, stationnés sur la place, en face de l'église. Nous
aurions rêvé devant cette petite maison aux volets bleus, construite sur un
îlot, au milieu des flots.
Nous aurions repris la voiture
pour nous rendre à Port-Louis ; nous aurions voulu visiter la citadelle
mais les portes venaient de fermer. Il était déjà dix-huit heures ! Nous
aurions continué notre balade en bord de mer, sur les remparts puis dans le
sable. La nuit serait tombée depuis longtemps, mais il y aurait encore des gens
sur la plage, profitant de la douceur ambiante, mêlée à l'air, plus frais, du
large. C'était animé comme en plein jour, un bar était ouvert, il y avait du
monde en terrasse. Je les avais trouvées plutôt insolites, ces activités
balnéaires nocturnes, début novembre !
Comme nous, les vacanciers
voulaient profiter de "vraies" journées, sans se soucier de ce
changement d'heure qui nous avait fait basculer, le week-end précédent, des
soirées déjà courtes vers les longues nuits d'hiver. C'était toujours assez
violent, dans ce sens ou dans l'autre. Nous avions néanmoins la chance de vivre
une période intermédiaire, bénéficiant de ces moments privilégiés où nos
horaires pouvaient se conformer davantage à nos horloges biologiques
personnelles qu'à ce rythme imposé pour faire des économies d'énergie. Plus de
trente ans, que ça durait ! Ça ne semblait pas près de s'arrêter.
Nous dirigeant vers les rues
pavées de la vieille ville, sur la fin de notre balade, nous nous serions
arrêtés dans un pub qui avait attiré ton attention : un squelette habillé en
corsaire était posté à la porte d'entrée. À l'intérieur, des murs en pierre,
une cheminée allumée, des tables en bois, une exposition de bijoux artisanaux,
un labrador couleur sable, joueur et avenant, un serveur déguisé en pirate !
Nous aurions commandé du cidre,
tu aurais demandé un Breizh Cola. Avec une paille ! Lui et nos amis auraient pu
fumer tout en buvant leur bolée. Ce serait l'une des dernières fois avant
l'application de la loi anti-tabac, interdisant la cigarette dans tous les lieux
publics. L'endroit était chaleureux, singulier, plutôt magique. Il n'y avait
qu'en Bretagne où l'on pouvait tomber sur ce genre d'établissement, à
l'ambiance si particulière. Il n'y avait qu'ici où l'on pouvait sentir la
douceur de vivre, croiser des personnages hauts en couleur, originaux,
extravagants… Pourquoi ne viendrais-je pas y vivre, finalement ?
Chapitre 12
Nous t'aurions montré des dolmens
vraiment spectaculaires ; nous serions montés dessus, nous nous serions
faufilés à l'intérieur, parcourant les chambres funéraires. Je vous aurais pris
en photo, contre-plongée et contre-jour ; en arrière-plan un ciel limpide, d'un
bleu profond. Vous auriez fait des poses, un peu robotiques, très amusantes.
Tu serais la seule à ne pas être
vêtue de noir. Tu avais sur la tête un bonnet péruvien aux couleurs vives, qui
protégeait efficacement tes oreilles contre le vent. Qu'il t'allait bien ce
bonnet péruvien, avec ses nattes en laine sur les côtés et son pompon ! Tu
avais l'air d'un lutin.
Nous nous serions promenés dans
des champs de menhirs, parfaitement alignés, sur des kilomètres. J'aurais joué
à cache-cache avec toi, nous aurions couru dans les hautes herbes, à en perdre
haleine, pour nous attraper. Qu'est-ce que nous aurions ri ! Quand nous aurions
rejoint la voiture, il aurait fait nuit noire. Il serait temps d'aller manger.
Un soir, nous irions flâner à
Saint-Goustan, un endroit fabuleux, agréable, reposant. Il m'y avait emmenée la
première fois où nous étions venus en Bretagne ensemble, l'été qui avait suivi
notre rencontre. Nous en avions déjà fait profiter nos amis, ils avaient eux
aussi succombé au charme de cette petite cité portuaire, très ancienne.
Nous arriverions par le haut de
la ville, nous passerions le pont en pierre enjambant la rivière du Loch, nous
monterions sur un vieux voilier, depuis longtemps à quai, sur lequel nous
avions entendu dire que l'homme politique américain Benjamin Franklin avait
débarqué en France, en 1776. C'était du moins ce que nous imaginions, ce que
nous voulions croire, et te faire croire !
Ce navire, tout en bois, était
transformé en magasin flottant : on y trouvait des bijoux, des babioles pour
touristes, des cartes postales, des souvenirs. Il y avait, dans sa cale, une
grande maquette du port, avec ses bateaux et ses maisons à pans de bois,
témoins d'une époque, maintenant révolue, où les activités de pêche, de
commerce, de construction navale étaient à leur apogée. Ce serait très
instructif !
Il y aurait plein de choses
intéressantes à regarder, sans que l'on pense forcément à acheter. Je
t'offrirais tout de même un joli pendentif en terre cuite recouvert d'émail,
que tu aurais choisi dans les tons bleus. Tu me dirais : "Merci
tata", tu semblerais contente ! Moi, je serais heureuse de t'avoir fait
plaisir. Plus tard nous t'emmènerions manger à la crêperie Ty Baron, la
meilleure de la région, près de Locoal-Mendon.
Chapitre 13
Nous serions partis toute une
journée sur l'île d'Arz, emportant un pique-nique conséquent, soigneusement
préparé, dans nos sacs à dos. Nous aurions pris le bateau, pour une courte mais
plaisante traversée. Il en aurait profité pour nous photographier toutes les
deux, avec mon appareil numérique, réalisant des clichés en rafale, nous
figeant dans le mouvement, la spontanéité, loin du posé. Devant lui nous
ferions les folles, quantité de grimaces ! Il y aurait du vent, nos joues
seraient roses, nous respirerions à pleins poumons l'air iodé.
Débarqués sur l'île, nous
marcherions un peu, à la recherche d'un endroit pour pique-niquer. Il ferait
bien plus frais, ici. Et ce serait brumeux. Nous passerions devant de belles
petites maisons, rustiques mais soigneusement entretenues ; nous voudrions
habiter chacune d'elles, nous nous imaginerions vivre là-bas, sur cette île en
plein golfe du Morbihan. Au moins pour un week-end, pour les vacances.
Aimerais-je venir toujours au
même endroit ? Je ne crois pas. J'apprécie trop la nouveauté, les surprises,
les découvertes. Je lutte contre les habitudes, le manque de curiosité. Même si
je ne vais jamais très loin, je préfère changer de point de vue, de
destination, conserver un esprit ouvert, continuer à rêver.
Nous trouverions une grande table
ronde en marbre avec, autour, un banc circulaire pour nous asseoir. Ce serait
sous les pins, face à la mer, un lieu parfait pour pique-niquer. Nous aurions
juste un peu froid. Nous aurions grignoté d'excellentes chips au vinaigre, sauf
toi qui n'aimerais pas, avant d'attaquer les sandwiches au pain de mie. Tu n'en
mangerais qu'une petite moitié, te rattrapant sur une pomme, du chocolat au
lait Milka et du Coca.
Avant d'entreprendre le tour de
l'île à pied, nous serions allés dans un bar pour boire un bon café, toi tu
aurais pris un chocolat chaud. J'aurais joué avec toi au baby-foot et tu aurais
gagné ! Nous marcherions tout le reste de la journée, découvrant de
merveilleux paysages, rendus étranges par ce ciel gris, brumeux, et pourtant
lumineux.
Nous chercherions un dolmen que
nous ne trouverions pas, nous finirions par nous perdre, chacun indiquant sur
le plan un endroit différent… Il commencerait à se faire tard, nous
demanderions le chemin de l'embarcadère, on nous remettrait dans la bonne
direction. Heureusement, car nous allions à l'opposé ! Nous serions crevés,
lassés de marcher ; toi tu résisterais plutôt bien, tu gambaderais, tu
plaisanterais, encore pleine de vitalité.
Nous serions repassés devant les
mêmes maisons de poupée, maintenant éclairées à l'intérieur. Il faisait noir !
Nous suivrions le sentier tant bien que mal, passant dans des zones sombres,
sans lumière. Nos yeux s'habitueraient à l'obscurité, nous verrions la lune se
lever, les étoiles briller. Nous serions en avance pour le prochain bateau,
nous nous serions pressés pour rien ! Nous aurions fait la traversée en sens
inverse : encore une chose inhabituelle, de prendre le bateau la nuit. L'eau
était d'une couleur d'encre. Les lumières de la ville s'étaient rapprochées,
nous aurions accosté…
Chapitre 14
Nous reprendrions la voiture,
irions dîner à la maison, de la bonne soupe bien chaude, puis nous jouerions
tous les cinq aux petits chevaux. Tu serais mauvaise perdante, tu pesterais
contre celui ou celle qui avait remis ton cheval dans l'écurie, tu menacerais
d'arrêter de jouer, tu piquerais une colère, tu voudrais tes parents et ton
petit frère, tu voudrais la télé.
Je te dirais qu'il était temps
d'aller au lit ; comme tous les soirs je m'occuperais de toi pour la mise en
pyjama, le lavage des dents, le couchage… Je resterais à tes côtés jusqu'à ce
que tu t'endormes. Tu ne tarderais pas, serrant "Grand Lion" fort
contre toi.
Le dimanche matin, à Carnac, ça a
toujours été jour de marché. Nous ne manquerions pas d'y aller, pour acheter de
bonnes choses à manger pour le repas du midi. Huîtres, saumon frais, petites
patates sautées, salade, cochonnailles, fromage, pain à l'ancienne, vin blanc…
Des pâtisseries en dessert, et du jambon blanc à la coupe spécialement pour
toi.
Nous en profiterions aussi pour
faire quelques achats en prévision de notre retour, rapporter des denrées locales
: sel marin, miel, confiture de lait, soupe de poisson avec rouille et
croûtons, court-bouillon… Je n'oublierais pas ma voisine, qui s'occupait des
chats pendant mon absence.
Rentrés à la maison, nous nous
affairerions pour préparer un copieux repas, nous boirions l'apéro sur la
terrasse, le soleil brillerait, mais il ferait trop frais pour que nous
resterions dehors pour déjeuner. Nous aurions festoyé sur la grande table en
bois de la salle à manger. Un authentique repas dominical ! Après le café, nous
commencerions à ranger.
Chapitre 15
Nos amis repartaient dans la
soirée, aux alentours de vingt et une heures ; ils seraient chez eux au plus
tard à minuit. Avant leur départ, ils voudraient voir encore une fois la mer ;
nous partirions tous les cinq vers la plage, toi munie d'un râteau et d'un seau
pour ramasser des coquillages, ceux qu'il utilisait lorsqu'il était enfant.
Mon amie et moi aurions pris des
sacs plastique. Nous assisterions à un merveilleux coucher de soleil, tout en
marchant le long de la plage, ici et là, tout près des vagues, ou un peu plus
loin. Lui aurait les pieds nus dans l'eau, les jambes de son pantalon relevées
au-dessus du genou.
Nous verrions les couleurs
changer, l'horizon s'embraser, la mer s'assombrir, le sable rougeoyer. Nous
prendrions de belles photos. Nous rentrerions à la nuit tombée, comme à l'accoutumée ! Ton seau
serait plein à ras bord de coquilles multicolores, diverses et variées.
En arrivant à la maison, il
t'aiderait à les rincer, à les disposer, pour les faire sécher, dans une grande
boîte en plastique tapissée d'essuie-tout. Une fois nos amis partis, après le
dîner, nous jouerions au Uno. Tu serais moins mauvaise perdante, on t'aiderait
à gagner.
Chapitre 16
Le lendemain matin, la journée se
promettait exceptionnelle, il faisait très beau, mais nous devions penser au
départ. Avant toute chose, juste après le petit-déjeuner, nous écririons des
cartes. Ce serait le moment ou jamais ! Nous te préparerions les modèles que tu
nous aurais dictés et tu les recopierais, consciencieusement, jusqu'aux
adresses. Il t'aurait appris comment placer, dans l'enveloppe, la carte côté
photo—c'est plus agréable quand on décachette—, avant que tu ne la fermes et
colles le timbre.
Il aurait fallu ensuite se laver,
s'habiller, ranger, refaire les sacs, les descendre, enlever les provisions du
frigo, faire le ménage, s'occuper de la vaisselle, vider les poubelles, les
déposer dans le container…
Tu jouerais dehors avec ta
trottinette, profitant du soleil. Nous mettrions tout dans la voiture,
fermerions les volets ; il irait couper l'eau et l'électricité, il ferait un
dernier tour à l'intérieur de la maison avant de tout boucler.
Je n'aurais pas remis,
délibérément, tous les objets à leur place initiale ; j'aurais même éprouvé un
certain plaisir à ajouter ma touche personnelle dans la décoration, pour
laisser une trace de notre séjour, une marque de mon passage.
Nous saluerions la maison, puis
nous irions en voiture dire au revoir à la mer, à sa plage, à ses rochers ; le
paysage vibrait, étincelait, sous un soleil éclatant et un vent léger. J'aurais
les larmes aux yeux, je les cacherais derrière mes lunettes noires. Il ne s'en
apercevrait pas.
Elles étaient sur le point de
finir, nos vacances en Bretagne, et j'appréhendais déjà ce qu'il y aurait après
: le retour au quotidien, les contraintes, les urgences à gérer, les choix à
faire en fonction des priorités…
Il me resterait deux jours pleins
avant de reprendre le travail et je comptais en profiter pour me remettre à l'écriture,
dans les meilleures conditions possibles. Rien n'est mieux, dans ce cas, que la
solitude. Et j'allais retrouver mes chats. Sur la plage, j'y pensais déjà.
Chapitre 17
Avant de prendre la route, nous
irions manger dans une crêperie du village, l'une de celles où il allait
enfant, du temps où sa famille était soudée. Nous ne serions pas très gais. Tu
aurais pris l'éternelle "jambon fromage", tu aurais siroté un
Orangina à la paille, tu n'aurais pas voulu de dessert, ni crêpe, ni glace, ni
rien.
Ce serait l'heure d'aller à la
voiture, de te harnacher pour le voyage ; il conduirait la première partie du
trajet, je crois même que ce serait jusqu'à chez toi. Moi, je ferais le
disc-jockey, je sommeillerais, je n'aurais pas grand chose à lui dire ; toi tu
lirais puis tu t'endormirais, en suçant ton pouce, "Grand Lion" sur
un bras.
Ce serait déjà la région
parisienne, ses quatre fois deux voies, son flot incessant de véhicules… Le
retour à la civilisation, au monde "moderne" que je détestais tant et
de plus en plus, les années passant.
Nous arriverions chez tes
parents, tu serais très contente de les retrouver, ainsi que ton petit frère ;
ils t'auraient manqué ! Tu leur montrerais tous tes coquillages, dans la grande
boîte en plastique qu'il t'aurait donnée. Oui, tout s'était déroulé à
merveille, tu t'étais bien amusée, tu avais passé d'agréables vacances, même
sans la télé !
Nous ne nous attarderions pas, il
serait déjà plus de dix heures du soir, nous t'embrasserions bien fort, nous
nous dirions au revoir. Je prendrais le volant et je le déposerais à la gare la
plus proche afin qu'il rejoigne Paris, puis son chez-lui. Nous serions peu
bavards, je serais pressée de rentrer, un peu sonnée, avec l'envie de me
retrouver seule.
Je conduirais encore pendant une
heure interminable, vers l'Est, jusqu'en banlieue lointaine, dans mon coin de
campagne, encore préservé. Mais pour combien de temps ? Enfin ma maison, mon
jardin et mes chats ! Ils m'accueilleraient avec chaleur et force
ronronnements, frottements sur mes jambes, petits coups avec le museau,
cherchant ma main pour les caresses… Attachants petits êtres. Il faudrait
encore décharger la voiture, déballer, ranger, mettre au frigo…
Chapitre 18
À peine arrivée et j'aurais des
regrets, les doutes s'insinueraient en moi, je me sentirais mal. J'aurais quand
même pu faire des efforts pour paraître plus gaie… Je serais tout à la fois
tourmentée et soulagée, je serais fatiguée, je voudrais dormir, rapidement me
mettre au lit. Ça avait passé vite, bien trop vite ! Trop court, au final.
Je n'aurais même pas eu le temps
de vraiment me détendre, restant préoccupée par mille et une pensées. Pas moyen
de faire le vide, je n'aurais pas vécu les choses avec assez de recul,
d'optimisme, de légèreté… Toujours sur le qui-vive, sur la défensive… Il serait
trop tard, les jeux seraient faits.
En février de l'année suivante,
tu viendrais de nouveau chez moi, pour quelques jours de vacances en compagnie
des chats (trois maintenant avec Kwika) qui seraient bien contents de te voir,
et de dormir sur ta valise ! Nous reprendrions nos activités
"familières", celles que tu aimais tant, ça te rassurerait.
Nous reparlerions du séjour en
Bretagne, des bonnes galettes, de nos balades, de cette grande maison sans
télé… Nous n'y retournerions pas. Pas ensemble, en tout cas. Jamais nous
n'oublierions ces jours heureux, ces bons moments, finalement, que nous avions
passé. Ni lui, ni toi, ni eux, ni moi.
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