mercredi 8 août 2012

Sur le parking

En janvier dernier, un soir où il pleuvait, j’étais arrivée un peu trop en avance pour la séance de cinéma que j’avais programmée. Était-ce pour "Le Havre" de Aki Kaurismaki, "Hugo Cabret" de Martin Scorsese, "A Dangerous Method" de David Cronenberg, "Tous au Larzac" de Christian Rouaud, "J. Edgar" de Clint Eastwood, "Les chants de Mandrin" de Rabah Ameur-Zaimeche ? Au mois de janvier 2012, je suis beaucoup allée au cinéma. À la Ferme du Buisson, principalement.

J’avais une bonne vingtaine de minutes à attendre, pourquoi étais-je venue si tôt ? Je suis restée dans ma voiture, sur le parking de la Ferme et du Super U, à écouter de la musique, à regarder la pluie tomber sur le pare-brise, déclenchant de temps à autre les essuie-glaces. Intermittence du net et du flou, à intervalles irréguliers.

Je m’étais garée de façon à avoir vue sur la rue ; je pouvais lire les informations municipales qui défilaient, lettres orange sur noir, sur le grand panneau, de l’autre côté. Le concert d’Arthur H au mois d’avril, les dates de l’élection présidentielle en mai, les heures d’ouverture de la Mairie de Noisiel…

De loin, j’ai aperçu une femme qui traversait, un cabas à la main. Elle marchait d’une drôle de façon, elle ne tenait pas bien debout, j’ai tout de suite pensé qu’elle était saoule. Elle est passée juste à côté de ma voiture, je l’ai suivie des yeux. Elle avait la cinquantaine, était vêtue d’un imper court qui laissait dépasser sa robe, avait les jambes toutes fines d’une femme qui boit. Elle s’est arrêtée d’un coup, s’est accroupie, culotte baissée, et s’est mise à uriner, sans prendre la peine de se cacher derrière une voiture. Ça a duré longtemps.

Comme elle se trouvait derrière moi, je la regardais dans le rétroviseur, je ne pouvais m’empêcher de la regarder, même si c’était pathétique, triste à pleurer. J’avais mal pour cette femme, complètement dégradée, totalement détruite. Elle s’est enfin relevée, en titubant, a manqué de tomber en se rajustant, tant bien que mal. Toujours son cabas à la main, elle se dirigeait maintenant vers le Super U, d’une démarche hésitante. La pluie tombait, dense et drue, elle n’avait pas de parapluie.

À peine dix minutes plus tard, elle repassait à proximité de ma voiture, d’un pas rapide mais chancelant. De son cabas dépassaient les goulots de cinq ou six bouteilles. Elle traversa la rue, pliant sous le poids, continua sur le trottoir… Scène de la vie ordinaire. Dans quel désespoir faut-il être pour se retrouver ivre-morte à sept heures du soir, et sortir motivée par la seule envie de s’acheter encore à boire ? 
Tous mes articles sur la Ferme du Buisson à Noisiel :
http://elsasong.hautetfort.com/ferme-du-buisson/

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