mercredi 9 octobre 2013

Journal de bord : semaine 5


Lundi 24 juin 2013
Mehdi arrive sans ses affaires de classe et complètement à l’ouest. Il dérange tout le monde, est agressif avec ses camarades, ne veut/peut pas travailler… Je l’envoie chez ma collègue Hélène avec des lignes. Mamadou prend aussitôt le relais avec ses bavardages, son insolence : il va directement chez ma collègue Graziella, lui aussi avec des lignes.

Simbara, dont c’est le dernier jour d’école, en remet une couche en réclamant la liste du matériel pour la rentrée. J’ai beau lui dire que la maîtresse de CM2, nouvellement nommée, ne l’a pas encore donnée, il insiste lourdement. Mody demande à changer de place ; il m’a promis vendredi, ainsi qu’à son père, qu’il travaillerait mieux en étant derrière, qu’il y sera plus tranquille. Je l’autorise à « déménager ».

La leçon de vocabulaire a pour thème le sport, les disciplines, le matériel. Comme d’habitude, je constate la pauvreté du lexique. J’engage les élèves à faire des recherches sur le dictionnaire ; ceux qui trouvent donnent la réponse aux autres, moi j’écris au tableau, puis je vérifie que le travail est fait sur les cahiers…

Ça se dégrade dès le début de l’après-midi (suite et fin de « La sorcière du placard aux balais » de Pierre Gripari) malgré ma volonté d’être dans un rythme plus « cool » et de travailler dans une ambiance détendue (il n’y a plus l’enjeu du livret). 

J’adopte une attitude facilitatrice pour démarrer, sans stress, les divisions à deux chiffres au diviseur, avant d’enchaîner, en sciences, sur l’importance du sommeil pour la croissance et les apprentissages… C’est le délire total avec l’apparition d’un cafard, sorti du cartable de l’un(e) ou de l’autre ;  personne n’écoute, ça ne sert à rien de s’acharner, je laisse tomber.


Mardi 25 juin 2013
Finalement Maïssa ne part pas en vacances tout de suite ; a priori Schaïneze, Sibel et Sila ne reviendront plus. Simbara n’est plus là et c’est le dernier jour de classe pour Mohamed-Amine, pour Mehdi aussi.

Ce matin, lecture à haute voix de « Hassan le cordier », un autre conte des 1001 nuits ; je sens bien que ça ne les passionne pas. En orthographe, j’annonce : « Voici comment on travaille en CM2 » et je propose quatre exercices de révision à faire dans le calme, en autonomie. « Si vous ne comprenez pas, vous levez le doigt, et je viens vous voir pour vous expliquer. Mais vous devez absolument travailler dans le silence, en CM2 ça sera comme ça. »

Quand Mamadou revient de sa punition chez mon collègue Pascal (suite à son insolence coutumière), il est surpris par l’ambiance sérieuse et travailleuse qui s’est installée et n’ose pas de nouvelles provocations. Malheureusement ça ne dure pas. Après une récréation un peu trop longue, retour en classe dans la confusion et le chaos.

Les choses ne s’arrangent pas l’après-midi. Il y a ceux et celles qui s’accrochent et qui me suivent, qui ne demandent qu’à travailler. Il y a ceux et celles qui font tout pour provoquer le désordre, qui sont violents, grossiers, en roue libre, ingérables.


Jeudi 27 juin 2013
Treize élèves sont présents le matin, Mody et Souhaïb reviennent l’après-midi, c’est l’école à la carte ! La journée se passe correctement, on continue à travailler, à avancer dans le programme (en maths) ou à faire des révisions (en français).

La lecture offerte de « Blanche-Neige » (version des frères Grimm) a beaucoup de succès. Les élèves suivent pas à pas l’avancée du conte, pointent les ressemblances ou les différences avec la version qu’ils connaissent : celle du dessin animé de Walt Disney.

Je donne encore des devoirs pour le lendemain. Nous ferons un goûter l’après-midi, je compte sur eux pour apporter des boissons, des bonbons, des gâteaux (pas de chips).


Vendredi 28 juin 2013
Le matin treize élèves sont là, il y en a quinze l’après-midi (Mody a encore eu une panne de réveil, Yunus-Emre avait mal à la jambe). J’ai des scrupules à les faire travailler, mais après tout je suis payée pour enseigner, non ?

En conjugaison ce sont des exercices de révision, en géométrie ce sont des figures « esthétiques » à construire en utilisant le compas. Naïma et Rebecca, qui d’habitude renâclent à faire le moindre effort, se mettent ensemble pour travailler, reproduisent avec soin « le carré dans le cercle » et « la pervenche » puis s’appliquent à les colorier (j’autorise « exceptionnellement » les feutres). Elles sont très fières du résultat et je suis agréablement surprise.

Quand je donne du travail aux élèves, ils râlent ; quand je les autorise à ne pas travailler (en leur proposant une palette d’activités : coloriages, mots croisés, jeux sur l’ordinateur, jeux de société…), ils s’énervent vite, s’ennuient, ne savent pas s’occuper et ça dégénère. Il faut recadrer, recentrer, menacer, en permanence.

L’heure du goûter arrive, il y a de quoi boire et manger, Macouta a fait des crêpes maison ! Pendant la récréation j’ai tout préparé, disposé les boissons et les victuailles sur des tables que j’ai déplacées vers le tableau. Je serai debout pour « diriger les opérations », les élèves seront assis, seul(e)s ceux ou celles que j’aurai désigné(e)s auront l’autorisation de se lever pour servir ce qu’ils/elles ont apporté.

Les choses doivent rester conviviales mais si je ne verrouille pas assez, si je ne reste pas sur mes gardes, si je ne montre pas mon autorité, je ne suis jamais à l’abri d’un débordement. On monte sur les tables, on se met à crier, on renverse la boisson, on joue avec la nourriture…

Le goûter se passe bien dans l’ensemble, tout le monde a bien bu bien mangé, ils/elles ont même un peu chanté et dansé… À 16 heures et quelques, tout est rangé, les cartables sont prêts, je ne donne pas de devoirs (alors que j’avais prévu de le faire), j’invite les élèves à descendre jouer dans la cour, pour que le « trop plein d’énergie » soit évacué à l’extérieur plutôt que dans la classe.

Un accident survient à la dernière minute, pourtant j’ai été vigilante, je surveillais la cour : Yunus-Emre tombe et se fait mal au bras alors qu’il jouait au foot, je le soigne et préviens sa mère par sécurité, c’est la grande sœur qui va venir le chercher… C’est l’heure de la sortie, je souhaite de bonnes vacances aux élèves qui ne reviendront pas lundi. C’est un état de fait, l’école est finie, une loi tacite s’impose ici, en marge des dates officielles, légales, nationales, réglementaires…

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