Juillet 2008
Première partie : Léa
Moi, c'est Léa. Ma maîtresse
m'appelle comme ça : "Léa ! Léa ! Léa !" Je viens d’avoir treize ans et
je me porte plutôt bien. Oh ! Des problèmes digestifs de temps à autre, des nausées,
des vomissements… Je mange trop vite et je n'ai plus beaucoup de dents !
Pourtant, ma maîtresse fait tout
pour me satisfaire, côté nourriture : elle varie les pâtées, il y en a de très
bonnes mais aussi de très mauvaises, mais ça elle n'y peut rien, elle ne va
tout de même pas les goûter… Elle laisse à ma disposition des croquettes avec
de l'eau bien fraîche, elle me donne parfois des petits morceaux de viande
qu'elle a coupés finement dans son assiette, exprès pour moi…
Je suis bien traitée, ma caisse
est toujours propre, je reçois beaucoup de caresses et de bisous, ma maîtresse
me dit tous les jours que je suis belle et qu'elle m'aime. Je peux profiter à
mon aise du grand jardin, qu'elle entretient avec soin ; il est toujours
fleuri, quelle que soit la saison. En été, elle s'arrange pour laisser quelques
zones de hautes herbes, sous les arbres, où j'adore venir faire la sieste, bien
cachée, sans personne pour me déranger. Nous sommes en été : vive les petits
coins frais, à l'ombre !
Au fond du jardin, sous la haie,
il y a un passage qu'elle maintient en état en coupant régulièrement les
branches ou les orties qui pourraient l'obstruer. Il permet d'accéder à un
petit chemin et à d'autres jardins ! Elle est bien gentille, de penser à ça !
S'il n'y avait plus ce passage, ce serait la catastrophe !
Je ne m'aventure plus très loin
aujourd'hui… Je me fatigue vite ! De temps en temps, la nuit, si je me
sens en forme, je m'autorise quelques escapades de l'autre côté. Je me promène
le long du chemin, tranquillement. Je m'arrête, je hume l'air, je me fais
silencieuse, immobile, j'attends les souris…
Il m'est encore arrivé récemment
d'en attraper une, pas bien nerveuse, je l'avoue, qui passait par là ; il ne
m'a pas été très difficile de lui ôter la vie. J'ai fait ça proprement,
rapidement, et je l'ai déposée bien fièrement sur les marches de la
porte-fenêtre, pour que ma maîtresse la trouve le matin, à son réveil. Elle le
sait bien, que c'est un cadeau extrêmement précieux que je lui fais là ! Je lui
exprime toute ma reconnaissance, toute ma gratitude, toute la joie que j'ai de
vivre ici avec elle, tout mon amour…
Elle me complimente, elle me
donne des caresses, elle attrape mon "cadeau" par la queue, elle
l'examine, puis ne sachant plus quoi en faire, elle le met à la poubelle… Je
comprends qu'elle ne puisse pas garder chez elle une pauvre souris morte ! Ce
qui compte, c'est le geste. C'est tout le mal que je me suis donné à
l'attraper : des heures d'attente, tout en pensant très fort à elle !
Il y a des soirs où je ne sors
pas, où je préfère rester au calme avec ma maîtresse. Après le dîner, elle
installe son canapé clic-clac en position lit, elle se met dans les draps pour
lire, écouter de la musique ou regarder la télévision… Alors je viens la rejoindre,
je m'installe confortablement sur sa poitrine, je presse sur elle mes pattes de
devant, l'une après l'autre, en essayant de ne pas trop sortir mes griffes, et
je ronronne.
J'aime dormir tout près d'elle.
Quand vient l'heure d'éteindre la lumière, elle place l'une de ses mains sur
mon ventre, là où c'est chaud et doux, et elle s'endort comme ça, en me
grattant du bout des doigts. Je suis aux anges ! C'est le bonheur absolu.
Je m'abandonne… J'espère encore vivre quelques belles années de cette façon.
Dommage que je ne sois pas toute
seule, dans cette maison. Il me faut souvent défendre mes droits, grogner pour
me faire entendre, donner des coups de patte, parfois même me battre… Je dois,
malheureusement, faire des concessions. Ce n'est pas de gaieté de cœur ! Cela
m'angoisse, parfois, terriblement, jusqu'à m'en rendre malade.
Elle exagère, ma maîtresse, un
seul chat, moi, en l'occurrence, si distinguée et délicate, à la belle robe
tigrée fauve avec du blanc au bout des pattes, sur le museau, le menton et le
cou, ça lui suffisait bien, non ? Pourquoi a-t-il fallu qu'elle revienne, un
beau matin, avec une petite créature noire aux yeux jaunes verts, au museau
pointu et aux grandes oreilles ? Un chaton frêle et maladif, qui n'a
d'ailleurs pas tardé à attraper le coryza, je ne donnais pas cher de sa peau.
Mais non, il a bien tenu le choc,
il s'est mis à grandir, à grossir, à devenir l'infâme bête qu'il est
aujourd'hui : un gros sac noir, ventru, poilu, méchant comme une teigne, qui ne
pense qu'à manger ou à embêter son monde. Un coup de griffe par ci, un jet de
pisse par là… Qu'il retourne en enfer, ce Lucifer ! Ma maîtresse l'a fait
opérer, mais il a quand même gardé un sale caractère de mâle dominant ! Tous
les jours je lui dis : "Va t'en, va t'en, tu es méchant !" Mais
il ricane et me répond effrontément : "Jamais, jamais, vieille
chose !" Il souffle, il crache sur moi, il s'approche en gonflant ses
poils… Il ne m'impressionne pas. J'étais là avant lui !
Je ne l'aime pas. Lui non plus,
d'ailleurs. La plupart du temps, il m'ignore, il vit sa vie comme si je
n'existais pas. Quand lui prend l'envie d'être désagréable, il éprouve un malin
plaisir à vouloir me déloger de l'endroit où je dors pour se mettre à ma place.
Souvent je lui tiens tête jusqu'à ce qu'il s'en aille ; parfois, quand il me
pousse à bout et que je perds patience, je pars en râlant, je vais chercher un
coin plus tranquille…
C'est un tyran ! Ma maîtresse le
traite souvent de sale bête, mais elle lui fait de gros câlins, et à lui aussi
elle dit qu'il est beau et qu'elle l'aime… Ça doit être comme ça, chez les
humains. Ils peuvent partager leur amour entre différents êtres… J'aime les
choses simples : un chat, un maître.
Deuxième partie : Tempo
Moi je suis Tempo. Ma maîtresse
dit souvent que ça rime avec gros, en plaisantant gentiment, croit-elle. Car ce
n'est pas vraiment gentil, de me dire ça. Je suis très susceptible, à chaque
fois je le prends mal. Je ne suis pas gros, je suis costaud ! Qu'elle ne
s'étonne pas, après, si je sors mes griffes, si je lui assène quelques coups
sur la main qu'elle avance innocemment vers moi, si je la mords avec mes
canines redoutables. Il faut qu'elle sache qui est le maître, ici !
Je suis un pauvre chat né dans la
rue, d'une mère qu'on a abandonné, n'ayant eu pour seule perspective que
l'euthanasie chez le vétérinaire, avec tous mes frères et sœurs… Mais une brave
dame nous a recueillis, avec notre maman. Je lui en suis reconnaissant,
éternellement ! Grâce à elle, j'ai eu une vie de bébé chat heureuse ; dans sa
maison il y avait plein d'autres chats, des chiens aussi, tous très gentils…
J'ai été choyé, dorloté, j'ai bien tété ma mère, j'ai beaucoup dormi, je me
suis amusé comme un petit fou…
Mes frères et mes sœurs sont tous
partis les uns après les autres, on les emportait dans un panier, ils avaient
l'air content de s'en aller… Je suis resté quelque temps seul avec ma mère,
mais elle m'évitait, elle me repoussait. "Tu es sevré, maintenant, tu n'as
plus besoin de moi ! Il est temps de nous séparer ! Une vie nouvelle m'attend,
tu sais, une famille va bientôt venir me chercher ! Toi aussi, on va t'adopter
! Ce sera bien, tu verras !"
Un jour est arrivée une petite
bonne femme blonde, avec un panier. Elle m'a regardé, elle m'a approché, elle a
avancé sa main vers moi… Je ne l'ai pas griffée, non, je voulais qu'elle ait
une bonne opinion de moi, alors j'ai avancé mon petit museau bien frais en
ronronnant… Je me suis laissé faire quand elle m'a pris dans ses bras, quand
elle m'a soupesé, détaillé, tripoté… L'affaire était dans le sac et le chaton,
dans le panier ! "Adieu, chère maman ! Je pars en voyage !"
Pour un chat des rues, j'ai
plutôt bien réussi : j'habite une maison où je trouve pitance à volonté
(j'essaie bien un peu de me restreindre, mais c'est plus fort que moi, j'adore
manger), un grand jardin, une maîtresse généreuse et compréhensive… Le bonheur,
quoi !
Au fond du jardin, sous la haie,
il y a un passage qu'elle maintient en état en coupant régulièrement les
branches ou les orties qui pourraient l'obstruer. Il permet d'accéder à un
petit chemin et à d'autres jardins ! Elle est bien gentille, de penser à ça !
S'il n'y avait plus ce passage, ce serait la catastrophe !
La nuit, tous les chats sont
gris, mais moi je suis noir, noir comme de l'encre, on ne me voit pas, je peux
chasser mes proies… Et je fais respecter la loi ! Chats errants, pleins de
puces, allez voir plus loin ! Passez votre chemin ! Ici c'est chez moi, on
n'entre pas ! Non mais des fois…
Ah ! J'en ai coursé, de ces
profiteurs qui prenaient ma gamelle pour un libre-service… C'est le cirque,
ici, quand ma maîtresse s'absente ! Mais j'ai vite fait de les renvoyer de
l'autre côté, et qu'ils ne reviennent pas, sinon ils auront affaire à moi !
À la fin de l’été, j'aurais déjà
six ans. Il va vraiment falloir que je surveille mon poids. Je le sens, en ce
moment, que je me traîne, avec mon gros ventre… D’accord, je suis corpulent, mais
j'ai mon poids de muscles, tout de même ! Et puis il y a du monde à la maison,
en ce moment. Il faut que je reste vigilant, des fois que la petite chose qui
s'est installée chez moi veuille prendre le pouvoir… Oh non ! Elle est bien
trop fragile, bien trop fluette !
Par contre, elle a bien su faire
son petit cinéma auprès de ma maîtresse, qui a fini par lui ouvrir la porte et
lui donner à manger, une fois, deux fois, trois fois, jusqu’à l'adopter… Elle a
réussi son coup, la coquine ! Là-bas, ses maîtres ne s'occupaient pas d'elle,
ils avaient deux gros chiens, dont un très méchant… Alors la voilà ici, à
occuper ma place dans le canapé, à manger dans ma gamelle, à me narguer, à
vouloir jouer avec moi…
Il faut voir comment elle se
comporte avec ma maîtresse : elle lui fait des numéros de charme, elle se met
sur le dos pour se faire caresser le ventre, elle lui tète le bras en
ronronnant très fort… Tout un cinéma ! Cela dit, elle est bien gentille, cette
petite chatte noire aux yeux verts, aux jolies pattes toutes blanches, comme
des chaussons. Elle a aussi du blanc sur le plastron, le ventre, les cils et
les moustaches… Une vraie beauté ! Elle s'est installée là parce qu'elle
s'y sent bien, c'est tout… Je la comprends. Je suis méchant, mais pas assez
pour la faire fuir d'ici. Je ne dois pas oublier d'où je viens…
Pauvre petite, contrainte de
dormir dans la niche du chien ! Ah ! Elle a tout gagné en venant vivre sous mon
toit ! Elle sait ce qui est bon pour elle, pas de doute ! Je lui fais peur de
temps en temps, pour qu'elle se souvienne de qui fait la loi ici. Du moment
qu'elle ne me pique pas ma place, juste au-dessus de la tête de ma maîtresse
quand elle lit, écoute de la musique, regarde la télévision ou quand elle dort,
et tout ira bien.
Elle est toute fine, cette jeune
chatte, elle mange beaucoup mais elle ne grandit pas, elle garde une taille de
chaton… Je m'inquiète pour sa santé, parfois ! En tout cas, c'est une forte
tête ! Chapeau, quand même, de s'amener : "Bonjour, c'est moi que v'là, il
n'y aurait pas un peu d'amour pour moi, par ici ?" Alors voilà. Elle est
là. Je fais avec, mais je reste sur mes gardes. C'est moi le chef, quand même.
Personne ne doit oublier ça.
Troisième partie : Kiwi
Je m'appelle Kiwi, c'est le
prénom que m'a donné ma deuxième maîtresse. Avant c'était Opium, mais ça
c'était avant, j'ai presque déjà tout oublié de ma vie d'avant, depuis que j'ai
changé de maison. Oh ! Je ne suis pas allée au bout du monde ! Seulement un peu
plus loin !
Ici c'est le bonheur, du matin au
soir, du soir au matin ! Je me sens en sécurité, protégée, défendue ; le gros
chien ne peut plus m'attraper ni me faire du mal… Je ne suis plus obligée de
dormir dehors, je peux profiter du coin d'un bon matelas ! Ma maîtresse me
considère, s'adresse à moi, s'occupe de moi, s'inquiète de ma santé, m'emmène
chez le vétérinaire en me transportant dans une petite cage avec une poignée.
Je lui fais confiance, elle ne
veut que mon bien, elle a l'air vraiment de m'aimer. Je fais tout pour lui
plaire, pour lui être agréable. J'aime dormir pas loin d'elle, sur le canapé,
quand elle travaille sur son ordinateur, ce drôle d'engin gris et plat avec un
écran où s'animent toutes sortes de choses…
Je ne suis pas le seul chat de la
maison, mais ça je le savais déjà avant d'y habiter. Ils avaient l'air heureux
et bien nourri, ces deux chats-là, la femelle tigrée et le gros mâle noir… En
tout cas plus heureux que moi. Mes anciens maîtres n'étaient pas souvent là,
ils oubliaient de me donner à manger, ils avaient l'air de ne pas trop savoir
ce que c'était de s'occuper d'un chat, ils me laissaient dormir dehors avec le
chien… Enfin c'était toujours mieux que rien.
Parce que cette chienne-là, je
l'aimais bien. Je lui suis très reconnaissante de m'avoir accueillie si
chaleureusement, quand je suis arrivée chez eux : j'étais un tout petit
chaton, j'aurais eu encore besoin de ma mère, le goût de son lait me manquait…
La chienne s'est occupée de moi du mieux qu'elle pouvait, partageant
généreusement sa ration de croquettes. Ce n'était pas très bon, trop dur pour
mes petites dents, mais quand on a le ventre vide… On s'entendait plutôt bien,
toutes les deux. Ce n'était pas si désagréable de dormir tout contre elle…
J'avais bien chaud ! Je vais lui rendre visite, de temps en temps. Mais je reste
prudemment derrière le grillage. À cause de l'autre, cette grosse brute…
Dès que j'ai eu grandi un peu,
j'ai voulu aller voir d'un peu plus près l'appartement où vivaient les deux
chats, le noir et la tigrée. Chez eux, tout paraissait calme, simple, paisible.
Ils avaient l'air de faire ce qu'ils voulaient, ils entraient, ils sortaient,
ils mangeaient des choses appétissantes, leur maîtresse les choyait… Le matin,
elle les sifflait, elle les appelait par leur nom pour les faire rentrer, pour
leur donner à manger avant de partir au travail. Je serais bien venue, moi
aussi ! Mais je restais en boule, collée contre ma maman chien. Ce n'était pas
chez moi, là-bas. Je pouvais rester des journées entières sans rien dans le
ventre. J'avais si faim !
J'ai passé l'automne dehors, puis
tout l'hiver. Comme j'ai eu froid ! Mes maîtres me laissaient rarement entrer
et quand ils le faisaient, c'était pour me crier dessus et faire devant moi des
gestes brusques. Je m'aventurais bien de temps en temps jusqu'à la maison des
deux chats, pour voir comment ça se passait pour eux…
Je pointais mon museau à la
fenêtre, je regardais à l'intérieur. Soit ils dormaient, soit ils mangeaient
(de la pâtée et des croquettes), leur maîtresse leur faisait plein de câlins…
Quand elle lisait, écoutait de la musique ou regardait la télévision, l'un ou
l'autre venait sur elle et réclamait des caresses. Ils pouvaient même monter
sur la table de la cuisine pour boire de l'eau dans une cruche !
Quand la petite bonne femme
blonde ouvrait la porte-fenêtre, qu'elle prenait l'air sur la terrasse ou
qu'elle s'occupait du jardin, je m'avançais vers elle en miaulant gentiment.
J'aurais aimé, moi aussi, recevoir quelques caresses ! Elle m'en donnait,
parfois. Elle jouait avec moi, aussi. Mais je n'avais pas le droit d'entrer
chez elle, pas question !
Au début du printemps, mes
maîtres sont arrivés avec un deuxième chien, qui ressemblait au premier, mais en
plus jeune, plus remuant, et vraiment très méchant. Du jour où cette horrible
bête est arrivée, je n'ai plus eu ma place. J'avais peur, extrêmement peur que
ce molosse aux crocs puissants ne fasse de moi qu'une bouchée ! Et tous ces
aboiements affreux pour me chasser !
Alors je suis partie, bien
décidée à tenter ma chance dans la maison voisine, celle des deux chats et de
leur gentille maîtresse. Je suis venue tous les jours, le matin à l'heure de la
pâtée, le soir à l'heure de la pâtée… Je miaulais, je pleurais, je gémissais,
je lui suppliais de m'ouvrir sa porte, de me donner à manger ; j'étais
malheureuse, une pauvre petite chatte abandonnée…
Un matin, elle a fini par
craquer. Les deux autres étaient déjà rentrés, ils bâfraient dans leurs
gamelles, et moi j'avais faim, tellement faim ! Je suis restée à miauler,
derrière la vitre, j'ai insisté, j'ai gratté de toutes mes forces avec mes
pattes de devant, j’ai sorti mes griffes pour faire encore plus de bruit…
J'étais désespérée ! Elle a hésité un peu, puis elle a préparé deux
petites assiettes et elle m'a appelée, d'une voix douce. Je suis entrée, je me
suis précipitée sur la nourriture, elle m'a caressée, elle m'a regardé manger,
puis quand j'ai eu fini, elle m'a remise dehors.
Le lendemain matin, je suis
revenue, elle m'a ouvert. Elle m'avait préparé un petit coin rien pour moi,
avec mon repas, deux gamelles et un bol d'eau fraîche. Plus tard, voyant que
j'aimais ça, elle m'a servi du lait. J'ai eu le droit, jour après jour, de
rester plus longtemps, de dormir où je voulais… Les deux autres chats ne m'ont
pas chassée, même si je les sentais assez hostiles à ma présence… La dame
blonde est ma maîtresse, maintenant… Elle me caresse, elle m'embrasse, elle me
serre dans ses bras, elle me dit que je suis belle, elle me dit qu'elle m'aime.
Dans ma maison il y a Léa, la
vieille chatte qui vit là depuis onze ans, m'a-elle dit ; moi je ne vois pas
bien ce que ça fait, onze ans, je n'ai même pas encore un an… Elle m'a bien
prévenue : je respecte sa tranquillité, je reste discrète, et tout ira
bien. Elle ne m'adresse que très rarement la parole.
Il y a Tempo, le gros costaud,
qui habite ici depuis ses trois mois ; il vient de ce qu'on appelle
"L'École du Chat", une association qui recueille les animaux sans
maître. Pour ce qui est de son éducation, il y aurait à redire ! Mal élevé, mal
embouché, toujours à jouer les durs… Mais c'est une bonne pâte au bout du
compte, il faut juste savoir le prendre.
Je lui ai demandé de m'apprendre
à attraper des souris. Il était très content ! Lui, ce qu'il aime, c'est
les rapporter vivantes jusque dans l'appartement. Une opération très
délicate ! Pas du travail bâclé comme la vieille, qui s'obstine à les
déposer mortes, parfois décapitées… La maîtresse ne les garde pas, elle les
jette. Alors la course aux souris vivantes, ça crée un peu d'animation ; là
au moins, tout le monde en profite ! Bien plus longtemps ! C'est ma maîtresse
qui n'a pas l'air ravi.
Alors moi, les souris, je les lui
rapporte vivantes, mais je les laisse sur la terrasse. Je joue un peu avec
elles avant de les tuer, d'un bon coup de dents, pour qu'elles ne souffrent
pas. Ma nouvelle maîtresse me complimente sur les proies que je lui offre, elle
me parle gentiment, je suis heureuse.
Au fond du jardin, sous la haie,
il y a un passage qu'elle maintient en état en coupant régulièrement les
branches ou les orties qui pourraient l'obstruer. Il permet d'accéder à un
petit chemin et à d'autres jardins ! Elle est bien gentille, de penser à ça !
S'il n'y avait plus ce passage, ce serait la catastrophe !
La nuit, je pars à l'aventure, je
rencontre d'autres chats. Je ne suis pas assez méfiante, un peu trop naïve,
alors quelquefois je me prends de sacrées peignées, de l'autre côté ! Au petit
matin, ma maîtresse siffle, nous appelle tous les trois : "Léa ! Tempo !
Kiwi !"
Nous arrivons en galopant, nous nous frottons contre ses jambes, nous nous mettons à manger, nos gamelles sont largement servies… Je n'y ai pas perdu au change ! Je suis vraiment chez moi, je fais partie de la famille ! Maintenant, ma place est ici.
Nous arrivons en galopant, nous nous frottons contre ses jambes, nous nous mettons à manger, nos gamelles sont largement servies… Je n'y ai pas perdu au change ! Je suis vraiment chez moi, je fais partie de la famille ! Maintenant, ma place est ici.
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